Juin 2004-juin 2011. Ce mois-ci, je fête ma 7ème année de présence sur les blogs, sous mon véritable nom. Si on tient compte du fait qu'avant cela, j'ai passé plutôt anonymement un temps dingue sur rendezvous.be et sur le légendaire forum du magazine Technikart, on peut dire que cela fait carrément plus de dix ans que je socialise (ou pas !) sur le web (automne 1999, à vue de pif...). A l'heure du Computer Love, un bilan s'impose.
Ecrire un article en caleçon
Vu que je travaille principalement chez moi, le plus souvent seul, j'ai toujours considéré et je considère toujours les forums les plus réactifs, les blogs et aujourd'hui Facebook comme UNE MACHINE A CAFE VIRTUELLE, un wide open space où lâcher vannes et discussions décousues comme n'importe qui lâche vannes et discussions décousues au burlingue. Dix ans le cul sur une chaise devant un écran, je ne vois là aucune différence fondamentale entre le journaliste culturel free-lance et le IT Crowd salarié chez Proximus : ça bulle, ça vanne, ça ramone des heures et des heures du taf qui pourrait être expédié en une demi-journée, si davantage de concentration était au rendez-vous. J'ai connu de nombreux journalistes qui vivaient souvent mal le fait de travailler à domicile, de se sentir coupés de leur rédaction. Cela n'a jamais été mon cas, en partie grâce à cette présence extended sur le web, au fait de causer virtuellement à des gens plutôt qu'aux murs.
Addicted to Love
Un moment, c'est clairement devenu une addiction. Une occupation chronophage. Je vis aujourd'hui dans un état d'esprit complètement différent de celui qui m'animait durant les grandes heures de la Casa Cosmani, celles des joutes hargneuses et des croisades sous caféine. J'avais davantage le goût de la fight à l'époque mais en fait, je crois que c'était le cas de beaucoup d'autres acteurs du web. Je peux me tromper, trop généraliser, mais j'ai comme l'impression qu'aujourd'hui, ceux qui étaient hier les meilleurs trolls sont tous passés à autre chose ; dépensent en 2011 leur surplus d'énergie à amuser la galerie de façon totalement différente -plus créative, plus ouverte- que l'insulte anonyme et la contre-argumentation rigolarde. Personnellement, je ne trolle plus depuis déjà un bon moment, plus du tout, personne. Cette envie m'est tout simplement passée alors que les conneries outrageantes n'ont pourtant jamais été aussi outrageantes que de nos jours. Il y a juste qu'un moment, on comprend que les gens dont on ricane sont VRAIMENT LOINS et que ça n'a donc plus aucun sens de s'en moquer. Ce sont de vrais cassoces, genre commentateurs du Soir et de la DH, point-barre ! Etre un sniper cynique, c'est très gai mais un moment, faut choisir son camp : continuellement flirter avec les Forces du Con ou étendre son réseau, provoquer des rencontres, chercher les étincelles, ce qui implique aussi de propager l'amour. Un tout autre business.
Into the Wild (urban version)
Il y a deux ans, j'ai tout envoyé chier. Ma copine, mon proprio, le boulot qui me restait, le chômage qui me voulait, l'état et ses statuts à la con, la sécurité sociale et ses complications. Tout. J'ai vécu un peu plus d'un an comme ça, marginalisé sans en avoir l'air, toujours à la limite de vraiment couler. J'ai été hebergé chez des amis mais aussi chez des gens que je ne connais pour ainsi dire toujours pas. Des friends de friends sur Facebook. D'autres que je n'aurais jamais rencontrés si on n'avait d'abord ensemble déliré sur un forum ou un blog. Je n'ai pas toujours tissé de véritable lien avec ces personnes mais l'impression que je garde de toutes ces rencontres, c'est que ces gens n'étaient pas foncièrement différents de ce qu'il y avait à en voir sur le web. Facebook a rendu l'anonymat compliqué, l'impudeur généralisée, et je pense que cela a fini par faire que les gens utilisent beaucoup moins de masques qu'il y a encore seulement cinq ans, où les réseaux sociaux étaient un vrai repère de mythos. En 2005, tout le monde se la jouait, il y avait toujours le risque de tomber sur un serial-killer au premier véritable rencart. Finalement, avec l'habitude, l'expérience et l'évolution des pratiques, je pense que si ça poke sur le net, ça colle généralement aussi dans la real life. Au moins le temps d'une douche, d'un plan, d'un flirt, d'une baise, d'un job ou d'un hébergement gratoche à l'étranger. Je peux témoigner de cela et c'est aussi pourquoi l'option Summer of Love 2011 défendue par Lestrade ne me donne pas envie de m'en moquer. Je pense vraiment qu'il y a un parallèle, même minimal, à faire entre l'ecstasy et la house qui décoincent les Angliches en 88 et Facebook qui rapproche aujourd'hui des gens qui s'ignoreraient complètement s'il n'y avait pas des univers plus ou moins communs et des points d'accroche qui se dévoilent sur le web. Un profil, même faux, ça dit beaucoup de celle ou de celui qui l'édite. La plupart des gens commencent à savoir décrypter ça, à oser se parler malgré les différences de classes et de tribus et ça ouvre évidemment pas mal de perspectives. Peut-être...
Don't believe the hype
Après, faut pas pousser le délire love trop loin, non plus. La révolution Twitter, Facebook qui déstabilise les régimes dictatoriaux, c'est du story-telling bien malsain et complètement con, du marketing déviant, comme nous l'explique Cracked.com dans cet article que je trouve totalement merveilleux et auquel je n'ai donc rien à ajouter.
The Great Rock and Roll Swindle 2.0.
J'ai vécu le 11 septembre sur Internet. Les sites de news saturés, un mec sur le forum Technikart qui était à New-York et balançait le peu d'infos qui lui parvenait. Dans la foulée, j'ai appris à connaître le LOL (les premiers détournements, les vannes, les conspirations...) et le TROLL (traiter de connards les mecs qui faisaient des comparaisons entre les images d'actu et les films de Bruce Willis). Je pense que beaucoup ne sont jamais revenus de cette impression élitiste de dompter l'info, de maîtriser les flux, de savoir où dégotter ce qui n'est pas dit ailleurs, de jouer avec les hyperliens. Pourtant, plus je surfe, moi, moins je vois clair. Trop d'infos bidons, de négligences, de négligeable, une débilitante et perpétuelle chasse au scoop, cette impensable idiotie de scanner Twitter et d'en faire une référence. Cette hiérarchie bouleversée de l'info, aussi, purement mercantile, où une opération bégnine aux cordes vocales d'Elio Di Rupo prend plus d'espace que Fukushima ou que l'état réel de la démocratie en Egypte. Très simplement, j'estime que l'on souffre tous de cette difficulté à dégotter de l'information sérieuse, pertinente et crédible; entendu que du côté des « médias alternatifs », c'est carrément pire que la Pravda en 1975.
So what ?
Nous vivons dans une chanson de variété française : on est beaux, on va s'aimer, qu'il est bon ton petit rosé sous le soleil, la salsa des grillons... C'est à la fois vrai (clair qu'on se marre!) et fake (tout aussi clair qu'on patauge!). Bref, on en revient toujours à la même question, celle qui n'a jamais cessé de caractériser l'époque : quelle couleur, ta pillule ?
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