dimanche 17 juillet 2011

EST-CE QUE J'AI BIEN DIT "GENOCIDE"?

Père flic, famille de droite, dans ma vie, j'ai eu ma dose d'avis avec lesquels je n'étais aucunement d'accord. C'est de là que vient mon goût pour la rébellion mais cela m'a aussi paradoxalement appris à accepter que d'autres puissent penser autrement que moi. Libéralisme, nucléaire, aide aux réfugiés, sécurité sociale, étrangers, rock and roll, techno pure, à quoi sert la vie, dieu et la science... Je peux entendre à ces sujets bien des opinions divergentes sans que cela ne me fasse forcément bondir au plafond. N'en demeure pas moins que dans ma vision des choses, un moment, même si ça met 30 millions d'années, vient toujours le Point Oméga, là où le débat n'a plus lieu d'être. Quelqu'un, immanquablement, finit toujours par gagner, sortir l'argument qui atomise, disperse et ventile. Quelqu'un, immanquablement, finit toujours par ensuite rétorquer des grosses conneries pour tenter de minimiser son manque de clairvoyance, réaction pathétique mais humaine. Dans l'affaire qui oppose Copiepresse, les quotidiens francophones belges et Google, on en est là. Google a gagné, se fait mousser avec un certain panache en zappant totalement le référencement de ses contradicteurs et les défenseurs du droit d'auteur à papa ont perdu. Dès lors, ils font fuser les grosses conneries.

Soyons clairs, Google, je n'en ai rien à foutre, cela ne me viendrait pas à l'idée de leur ériger une statue. En tant qu'utilisateur, c'est comme Sibelgaz. Le prestataire le plus évident, le plus disponible, et j'ai la flemme d'aller chercher plus loin. Les articles signés de ma plume référencés sur Google ? Pareil ! Je m'enfous ! Leur accessibilité universelle vaut largement la petite poignée d'euros belgo-belges que cela pourrait me rapporter si je devais commencer à chicaner au nom de mes droits d'auteur. De plus, j'ai déjà été payé pour ces articles et on parle bien ici de putains d'articles de presse, pas de cinéma, de musique ou de littérature. On parle d'un traitement de l'information, le plus souvent sans aucun recul. De la copie pissée à vif, dont la durée d'exploitation commerciale n'excède en principe pas de beaucoup l'espérance de vie d'un moucheron. Tarzan, ça peut continuer encore longtemps. Ce que je pensais de Moby il y a 10 ans, quel intérêt, sinon pour quelques archivistes ?

Plus je m'informe, plus j'estime qu'il y a quelque-chose de vicié dans l'existence même de Copiepresse, sorte de Sabam pour journaleux qui se propose, au nom du droit d'auteur, de faire raquer jusqu'aux étudiants qui font des photocopies de papiers jadis publiés par des gazettes. Je n'estime pas Google beaucoup plus éthique, cela dit. Il y a juste que sa vénalité m'est plus bénéfique et me propose une meilleure offre que celle des éditeurs défendus par Copiepresse. Proposer la meilleure offre possible, c'est bien entendu la base même de toute entreprise commerciale un tant soi peu sérieuse. Google le fait en référençant tout ce qui bouge sans moufter. Les rois du torchon ratent le coche en tentant de garder le contrôle sur le référencement et l'archivage de leurs articles publiés sur le web. Détail marrant : il faut tout de même bien se rendre compte que lorsque l'on parle d'articles publiés sur le web en Belgique francophone, il s'agit principalement de copiers/collés de dépêches d'agences, de rumeurs glânées sur Twitter et de blogs people à la con écrits par des gueunons équipées de machines à écrire. Et si Collette Braeckman et autres rares Journalistes with a capital J encore valables chez nous veulent davantage de thune, qu'ils nous sortent un bouquin, quoi...

N'en demeure pas moins qu'au Soir, on hurle à la barbarie : «on ne bâtit pas un modèle économique en détruisant celui d'un autre», peut-on y lire dans un édito signé Philippe Laloux, responsable du site web du journal. Du côté de chez IPM (La Libre Belgique et la DH), François le Hodey, le CEO, se fait quant à lui carrément plus lyrique : « Si les contenus sont volés, comment assurer un modèle économique vertueux qui permette à la liberté d’expression de se déployer avec des rédactions professionnelles dans le nouvel environnement digital des médias.» A noter que le même jour, sur le même site, ça causait surtout de scouts qui s'enculent au fond des bois et de femme décédée suite à une allergie au sperme de chien, mais bon...

Le plus pathétique, c'est que tout le monde, eux y compris, a capté qu'il s'agit moins de concurrence de modèles économiques que d'évolution des pratiques et de la considération de la valeur de l'offre. Ce cinéma qu'ils nous font, c'est comme à chaque fois que l'autorité et la vision d'un responsable de presse belge francophone sont contestées. Plutôt que de pronfondément se remettre en question, ils nous sortent le coup des méthodes de voyous et du danger qui pèse sur la démocratie. Ce qui me rappelle immanquablement le vieux sketch des Snuls où le Professeur Jean-José Pigeolet se demande s'il n'a pas oublié d'inclure le mot « génocide » dans sa caricature de discours humaniste et professionnellement indigné. 

UPDATE : Hoooo, c'est déjà fini, le feuilleton!

7 commentaires:

  1. A lire : les commentaires hilarants sur Rue 89

    http://www.rue89.com/presse-sans-presses/2011/07/16/pour-google-la-presse-belge-francophone-nexiste-plus-214478

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  2. Le même discours se pose lorsqu'on parle des maisons de disques.
    La situation est différentes, mais le fond reste le même.
    Avant il y avait des chanteurs, ils passaient à la radio touchaient de l'argent là-dessus, mais surtout avec des concerts, puis le disque "commercial" est arrivé et là les maisons de disque ont pris leur essort. Ils organisaient des concerts, des tournées, des promos en fait c'était un clé en mains pour le chanteur.
    Puis le MP3 est né et là les maisons de disques ont pris du plomb dans l'aile. A coup de procès, de sacrifice d'internautes, de pseudo défense du droit d'auteur, ils se battent pour leur pain quotidien. Et au final le scro-saint HADOPI. Mais pendant ce temps-là les artistes, les vrais, ont repris le chemin de la scène et ont tout à y gagner.
    Les majors sont pour les artistes pépères qui veulent travailler de 8h00 à 17h00 et que les majors fassent leur boulot. Mais la donne a changé.

    J'en reviens aux journaux, c'est le même, ce fameux copiepresse n'est là que pour leur rendre la vie facile et les faire pointer de 8 à 17 et dormir sur leurs deux oreilles.
    Seulement là ils ne se sont pas attaqués à Mme Jammie Thomas Rasset, mais à google.
    Ils s'en mordent déjà les doigts !!!

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  3. Ce qui m'amuse le plus, c'est quand sur son site, Copiepresse parle de lettres de mise en demeure envoyées à des administrations, à des cabinets ministériels, à la Commission européenne, à des universités, à des sociétés de press clipping, etc...

    Quand t'es obligé de mettre en demeure à peu près tout ce qui bouge, il n'y a plus que toi pour considérer tes revendications légitimes, c'est quand même flagrant. Et tout aussi pathétique que la réaction de Copiepresse quand on lui parle de robots.txt.

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  4. Ton billet m'a fait beaucoup rire :)

    Mais j'aurais qques questions :
    Quel est, selon toi, "l'argument qui atomise" et qui aurait fait gagner Google ? En quoi la réponse de Google constitue-elle un argument, plutôt que la simple expression de la loi du plus fort ?

    Sinon, d'accord avec toi of course sur le caractère outrancier des réactions de la presse belge, avec des arguments qui rappellent fort ceux de la RIAA etc.

    Néanmoins, au delà de la rhétorique guerrière, quelle est ton objection à la motivation sous-jacente à l'action Copiepresse ? En quoi les tentatives de la presse belge de négocier avec le principal gagnant du web aujourd'hui un accord leur permettant de continuer à se financer, au moyen d'un partage des revenus publicitaires comparable à celui que Google a déjà mis en place sur Youtube p.ex., seraient-elles foncièrement critiquables ?

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  5. Quel est, selon toi, "l'argument qui atomise" et qui aurait fait gagner Google ?

    Le conflit entre Copiepresse et Google portait sur le mode de fonctionnement d'une version de Google News qui n'existe plus et posait un vrai problème, notamment en mixant par exemple un article du Soir avec une photo de la DH. A partir du moment où Google News ne fait plus que référencer sites et articles originaux en renvoyant l'utilisateur vers la source et que Google stipule ouvertement et très clairement que quiconque que cela dérange a à sa disposition des protocoles informatiques très simples à mettre en place pour l'éviter, j'estime que le conflit juridique n'a plus de raison d'être. De ce strict point de vue, il n'y a donc ni gagnant, ni perdant. C'est à un niveau plus philosophique que Google est gagneur, en démontrant que si les mecs suivent les juridictions existantes à la lettre, ça peut couler leurs détracteurs.

    En quoi la réponse de Google constitue-elle un argument, plutôt que la simple expression de la loi du plus fort ?

    Que dit Google en appliquant le zappage dont on parle, même si officiellement, c'est du cafouillage ? Un message très clair : on en est là. Si on en reste là, vous freinez un développement qui n'est pas que strictement économique mais aussi technologique et sociétal. Vous y perdez plus que nous. C'est tellement imparable que ce sont les éditeurs ayant induit le procès et obtenu gain de cause qui viennent ensuite négocier pour que Google n'applique pas le jugement à la lettre !!!

    Néanmoins, au delà de la rhétorique guerrière, quelle est ton objection à la motivation sous-jacente à l'action Copiepresse ?

    Aucune si l'on s'en tient à la motivation de départ, il y a 5 ans, et je suis bien conscient que c'est Google qui a fait appel, faisant durer la procédure jusqu'au point où la motivation de départ semble complètement surréaliste par rapport à l'évolution actuelle du bouzin. C'est bien évidemment la rhétorique stupide qui m'a fait réagir et rire et le fait qu'autant chez les éditeurs (François le Hodey) que du côté de Copiepresse (l'interview d'une responsable sur Rue89!), tu as l'impression que bien peu savent de quoi ils parlent vraiment.

    Maintenant, personnellement, Copiepresse, je vois ça au pire comme du racket institutionnalisé façon Sabam, au mieux comme un vestige d'un passé où les gens se posaient moins de questions sur la pertinence de payer des droits d'utilisation. Je vais encore faire rire les uns et crisser les ratiches des autres mais à partir du moment où Google est une source de trafic non négligeable, donc bénéfique à la pub sur les sites référencés, ça devient totalement couillon, mesquin et suicidaire que d'aller les chicaner pour un éventuel partage de recettes supplémentaires sur Google Ads. C'est comme si un Copiepresse qui s'occuperait de défendre la RTBF allait soudainement attaquer Ciné-Télé Revue, le Moustique, Focus Vif et Télépro parce que les programmes de la chaîne y sont recopiés.

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  6. En quoi les tentatives de la presse belge de négocier avec le principal gagnant du web aujourd'hui un accord leur permettant de continuer à se financer, au moyen d'un partage des revenus publicitaires comparable à celui que Google a déjà mis en place sur Youtube p.ex., seraient-elles foncièrement critiquables ?

    Je n'ai pas d'objections à ce que cela se discute mais j'ai un peu de mal à sérieusement concevoir qu'un outil de référencement puisse être considéré comme le concurrent d'un site de presse. Quand
    YouTube diffuse un clip musical, il n'en donne pas juste un extrait qui renvoit vers le site du label, il le fait dans son intégralité. Même si je ne partage pas le point de vue des ayants-droits, je peux dès lors comprendre que ceux-ci exigent l'application des lois sur le droit d'auteur. Quand Google linke un article et en donne deux lignes à lire, ce n'est pas du tout le même cas de figure. Qu'on aille chicaner cela, ça me donne la même impression que si des mecs du Soir allaient engueuler les libraires qui laissent les gens feuilleter les gazettes (caricature) ainsi que les particuliers qui font des photocopies d'articles qui les amusent pour les partager avec leurs potes (en théorie, une application bien réelle de la loi).

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  7. http://studentchronicles.wordpress.com/2011/07/16/quand-google-fait-de-la-resistance/

    (la conclusion avec les paparazzis est complètement conne mais au moins, voilà quelqu'un exposant bien l'affaire d'un strict point de vue juridique...)

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