Filmé à
la Jean-Kevin Scott (le rénégat wallon de la famille de Ridley et
Tony), rendu terriblement anxiogène par une voix off qui a
visiblement appris le journalisme au cours de stages intensifs de
modération de commentaires sur le site de la Dernière-Heure-Les
Sports, Des Flics dans la Ville, la nouvelle émission de télé-réalité de RTL-TVI, est vraiment le genre de produit qui
donne le cancer du cerveau et fait voter à droite. Ce qui est sans
doute son but.
On y suit
dans leur quotidien des flics de la Zone Nord de Bruxelles, coin de
la ville qui est dépeint comme une sorte de cloaque plus proche du
New-York City babylonien du film Taxi Driver que du gigantesque et
propret mouroir pour vieux pochetrons des classes moyennes qu'est
réellement la plus grosse partie des lieux (*). Si on se
laisse hypnotiser par le montage serré, l'ambiance musicale
terrifiante et les horreurs de la voix off, c'est pourtant The Wire, pas Derrick, la
référence. Là aussi, c'est certainement le but.
Le
storytelling à l'écran, c'est une chose. La réécriture dans mon
petit esprit critique, tout à fait autre chose. Or, que voit-on
réellement sur ces images ? Un simplet relativement bourré se
faire gauler après avoir accroché une bagnole garée. Autant dire
le délit de fuite du millénaire. Deux dealers se faire prendre en
flag lors d'une opération coup-de-mou à défaut d'être très
coup-de-poing. Ils ont énormément de drogues chez eux, c'est vrai.
Par contre, je n'ai toujours pas compris en quoi un soldat tchetchène
à moitié nu sur le téléphone portable de l'un d'eux en ferait un
sérieux candidat au Jihad international ? Hahaha, plus le droit
d'être homo et de kiffer les grosses mitraillettes ou quoi, à
Schaerbeek ?
Autres
affaires dignes de celle du Tueur du Zodiaque pour nos flics de
(bi)choc : aller photographier les dames de la rue d'Aerschot. Ils
appellent ça « mettre le fichier à jour » et à les voir minauder
au comptoir du bordel, il est clair que le moment le plus passionnant
de cette noble mission, c'est celui où il leur faut « introduire
les données dans le port USB ». Nos amis de la police
réconfortent aussi les « vieilles personnes » s'étant
fait dérober leurs économies par de faux flics. Séquence émotion :
il n'est jamais gai de voir pleurer une vieille dame qui vient de se
faire chourrer 12 000€ par des escrocs. Sauf que dans la foulée,
l'inspecteur nous explique que les types qui pratiquent ce genre
d'arnaque ne se présentent pas à la porte de leurs victimes avec de
fausses cartes de police mais bien avec la photocopie d'une carte
semi-officielle française dont le drapeau a été recolorié au
Magic Color et où la photo est en fait celle de... COLUCHE !
(je n'invente rien!!!)
Je n'ai
pas tout suivi, un moment je me suis même carrément endormi. Il y a
sans doute des gens qui frémissent, prient et pleurent devant ce type
d'émission mais moi, soit je me gondolais sec, soit je ronflais de
façon toute aussi généreuse. Il se fait que j'habite Bruxelles
depuis toujours, que j'ai passé un certain temps dans les quartiers
filmés et que mon père a sinon été flic durant plus de 35 ans.
Des histoires de flics, j'en mange à chaque repas familial. A la
tonne. J'ai aussi été journaliste et je le suis encore un peu,
parfois. C'est de ce background que vient le rire. Un rire narquois,
sarcastique, un peu méprisant même. Je ne ris pas des flics et des
types qu'ils arrêtent, je ris de la façon dont on me le montre sur
RTL-TVI. Parce que moi, quand on me raconte une bonne histoire de
flic, que l'on me sert un chouette mélange de drôlerie et
d'émotion, de bêtise et d'absurde, d'arbitraire dégueulasse et de
rébellion idiote, je respecte cette réalité et ses nuances, et
JAMAIS, JAMAIS, JAMAIS, je n'irais transformer cela à grands renforts de
clichés, de jeux de con sur les peurs les plus primaires et de scénarisation flemmarde en minable petit conte moral uniquement destiné à faire de
l'audimat chez les vieux pétochards et les beaufs pour qui Bruxelles est la salle d'attente de l'Enfer. Voilà donc ce qui me fait le plus rire, dans cette affaire : le
cynisme des producteurs, la vue courte des journalistes. Le sujet en or qui se transforme en propagande pour l'aile dure du
MR.
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