Comme à chaque fois que je secoue un
peu le cocotier, on m'accuse d'être aigri, frustré, vilain, et
patati et patata. Très amusé, je me suis demandé à quand
remontait pour la première fois ce genre d'accusation envers un
critique, tant c'est récurrent depuis ainsi dire toujours. DJ Eva
Braun, par ailleurs critique littéraire et romaniste de formation,
pense avoir retrouvé le premier zygoto à avoir ainsi colporté des
ragots sur la balle d'un autre débilosse suite à un transit
intestinal perturbé. Récit à 4 mains, et un tout gros poke pour sa
peine.
Le début de la critique littéraire,
c'est La Poétique d'Aristote, où il balise les
genres, considérant que certains sont plus « nobles »que
d'autres. Harry Totote nous sort un gros traité sur comment bien
faire de la littérature et, jusque là, tout va bien. Il faut de
fait attendre quelques tours d'horloges, jusqu'au 17ème siècle,
pour qu'une bande de branlos décide de figer ces règles et de tirer
de La Poétique une interprétation dogmatique. Du coup,
certains écrivains trouvent cela aussi lourd qu'un article d'Eric
Zemmour et s'en plaignent chez Ruquier et Ardisson. Grosse polémique
dont on retrouve la trace dans la préface du Bérénice
de Racine, en 1671. Toute cette agitation intellectuelle, ce
ping-pong brillantissime digne d'un vieux Patrice Leconte bien connu,
cela fait pousser du melon, c'est le grand concours du mollet enflé :
il ne tarde même pas à ce que certains critiques se targuent
d'aider à la création des oeuvres. Boileau, par exemple, en vient
un moment à faire croire qu'il est à l'origine d'écrits majeurs de
La Fontaine, Molière et Racine. L'ambiance du moment, c'est comme
pour les chroniqueurs de Rolling Stones, du NME et de Playboy dans
les années 1970 : la totale hype, free drugs, free sex, Tony
Montana déclassé. Le XVIIème siècle rationaliste fait des
critiques des stars, des « censeurs solides et solitaires
que la raison conduit et que le savoir éclaire » (Boileau
toujours, pour le coup aussi éclairé que la station de métro du
même nom).
Moins pressés que les flics lors d'une
bagarre d'Arabes, les Romantiques déboulent 200 ans plus tard en se
comportant comme les Tokyo Hotel de l'époque : un total plan émo. Entré dans les annales, un gros bon statut Facebook de Madame
de Staël, le Nicola Sirkis d'alors, en appelle au « rétablissement
des droits de l'originalité à la place du joug de la création », ce qui consiste tout simplement à envoyer chier le moindre détracteur. L'écrivain est perçu
par le fan-club Mustango comme un génie solitaire que ne saurait
atteindre la sale bave des vils crapauds, forcément jaloux, donc aigris. Et, décident-ils, pour
qu'il y ait critique recevable, il faut que le critique soit lui-même
créateur. Même s'ils s'habillent tous comme le groupe Visage, les
Romantiques croient à l'individualité et au génie, et prônent
que « chaque individu recommence, pour son compte, la
tentative artistique et littéraire » (@MarcelProust en
réponse à @Sainte-Beuve). Bref, c'est là que sur les forums de
puceaux qui visitent les cimetières pour graver le nom de Mylène
Farmer sur les tombes, on commence à se gausser des critiques qui ne
peuvent atteindre de tels sommets créatifs. DJ Flaubert lâche dans
la foulée le véritable boulet de canon qui chamboulera à jamais la
vie de Thierry Coljon : « Je voudrais bien savoir ce que les
poètes de tout temps ont eu de commun dans leurs œuvres avec ceux
qui en ont fait l’analyse ! Plaute aurait ri d’Aristote s’il
l’avait connu ! Corneille se débattait sous lui ! »
Au XXème siècle, les émos ont gagné
et vont passer une bonne partie du centenaire à se branler la
nouille sur plein de concepts un peu ardus à intégrer entre
l'apéritif et l'écoute du dernier Brian Jonestown Massacre,
plaisirs simples pour gens simples : analyse littéraire
psychanalytique, sémiologie marxiste, sociologie structuraliste...
Via Roland Barthes, qui n'est pas la père de Yann, et Bourdieu, qui
n'est pas une insulte homophobe, on en viendra toutefois à réfléchir
sur le concept même de critique et de valeur littéraire et/ou culturelle, ce qui détend tout le monde du gland et nous mène aux années 70 et 80 -Lester Bangs, Nick Kent, Antoine De
Caunes, Gilles Verlant, Laurent Chalumeau, Nicolas Ungemuth- en gros,
à cet étrange instant où les gens qui écrivent sur d'autres gens
se sortent un peu les doigts du cul. Tout en se faisant malgré tout
insulter par des zigomars calés sur des concepts émo-core du 19ème
siècle. Alors, pas belle, la vie ? (sc + cd)
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