mercredi 29 août 2012

LA TRISTE MORT DU FACTEUR WAOW


Avec Caroline Music, le quasi (*) dernier disquaire indépendant de la ville qui disparaît, et la librairie Darakan qui ferme ses portes, c'est un « certain » Bruxelles « alternatif » qui se meurt encore un peu davantage. Soyons francs : ado, ces magasins ont beaucoup compté pour moi et, plus tard, ils sont devenus des buts de promenades en soi. Ces dernières années, par contre, je n'y achetais plus grand-chose. Peut-être qu'y claquer régulièrement 50 balles comme je le faisais jadis leur aurait permis de vivre encore quelques années ? Peut-être pas ? Il y a , je pense, quelque-chose d'inéluctable -l'air du temps, l'offre, la demande...- qui pousse au trou ce genre de commerces, au fond d'obédience punk. Disquaire indé et libraire spécialisé dans les trucs gay, les polars et le cinéma, ce sont sans doute des métiers disparus. Il va bien falloir l'admettre et passer à autre chose. Via un bête Iphone, j'ai aujourd'hui accès à plus de culture « alternative », de savoir et d'items commercialisés que Caroline Music et Darakan réunis n'auraient jamais pu m'en offrir. Je ne pense donc pas que c'est la culture « alternative » bruxelloise qui disparaît avec la fermeture de ces magasins. Ce sont plutôt quelques-uns de ses passeurs et de ses symboles qui disparaissent mais vu que l'accès à cette culture n'a jamais été aussi facile et neutre, est-ce tellement grave ?

A priori, non. Cela ne change quasi rien à ma consommation culturelle. Par contre, cela transforme énormément mon environnement, détruit un peu du lien qui m'unit à cette ville, à ses habitants. Je me ballade dans le Centre-Ville avec derrière l'oreille l'envie de claquer quelques kopecks et je ne trouve plus aucune vitrine qui ne me donne envie de la lécher, aucun magasin pour moi très engageant. Je suis dans un univers particulièrement repoussant de boutiques de fringues pour cagoles, demi-hipsters, Guetta en devenir et Flamoutches en pleine reconquista. Ca pue la gaufre, la praline, la babelute, le kebab, la bière et les moules. C'est plein de snacks pourris et de night-shops qui blanchissent l'argent du trafic international du fil de cuivre. Les dernières friperies rock ne sont même pas foutues de dégotter une veste de cuir correcte à Saint-Cloud ou Amsterdam et vendent donc leurs merdes de gitans par pure fainéantise. Je sais où trouver et acheter ce dont j'ai besoin, ce n'est pas le problème. Ce qui me chipote, c'est que je ne trouve plus aucun endroit où me laisser tenter par l'acte d'achat compulsif, où me faire séduire par le facteur Waow, cette euphorie shopping qui m'a jadis fait rapporter à la maison avec beaucoup de bonheur sur le paquet de bien grosses conneries des Galeries Agora, des petits disquaires, des bouquinistes, des vendeurs d'affiches et de babioles, etc... En fait, c'est tout comme si cette ville n'avait plus rien à offrir à des types comme moi, déjà vieux mais toujours rebelles, rigolards mais aussi portés sur la prise de tête au ciné et dans les livres, coquets mais trop pour H&M et pas assez pour Margiela et Dansaert. C'est comme si Bruxelles m'invitait à ne tout simplement plus sortir de chez moi et à tout gratter du web. Ou à rentrer dans le rang, choisir entre Louise, Uccle ou Rue Neuve. Ou alors à dégager. Mais pour aller où ? La dernière fois que j'ai été à Londres, c'était exactement pareil. Comme sans doute partout ailleurs. La disneylandisation de l'espace urbain et la victoire  absolue du puta-store, pas vraiment nouveau comme concept. What a waste.

(*) Il reste Sunset Music à La Bascule

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