C'était il y a quelques mois, me
semble-t-il. Ricky Gervais avait publié un tweet annonçant que si
personne ne le retweetait, il donnerait 100 £ à un organisme de
charité. Il avait été retweeté en masse, ce qui a poussé Gervais
à continuer l'expérience. L'Anglais publia donc un second tweet
annonçant qu'il donnerait 1000 £ à un organisme de charité à la
condition expresse que personne ne retweete l'annonce. Là aussi, les
gens ont partagé ce second message en masse. Il en a alors pondu un
troisième, promettant 10 000 £ en cas de 0 retweets et là encore,
tout un tas d'abrutis a republié le message. Après Gervais a
lâché une vanne dont je n'ai pas le souvenir. Je ne suis en tous les cas pas du tout certain qu'elle ait été vraiment comprise par tous ses followers.
Je viens de faire une expérience
relativement semblable en publiant chez Doors Magazine
un
petit article écrit avec ma copine, qui est coéliaque, sur la
vie sans gluten. On y dit, clairement je pense, que malgré les
clichés populaires voulant que les intolérances alimentaires soient
de nouvelles maladies imaginaires, le No Glu n'est ni une mode, ni du
chichi de pétasse. Cocasse : le papier s'est toutefois fait
chichiter dans les commentaires du site, principalement par des meufs qui
n'ont pas l'air d'avoir vraiment compris ce qui est écrit, ce qui ne
les empêche pas de prétendre que l'on soutient exactement le
contraire de ce qui est publié. Ou comment faire un mini-buzz avec
trois paragraphes relevant à priori de la routine scribouillarde en excitant des gens qui lisent en diagonale en butant sur les mots clés. C'est amusant
mais aussi parfaitement consternant. Et je n'ai aucune pitié pour ça, je dois bien l'avouer.
No Glu Today
Le No Glu a la cote. Les recettes, produits et établissements
qui proposent ou cherchent des options sans gluten se développent,
encore timidement en Belgique, alors qu'en Allemagne, en Angleterre
mais aussi en France, c'est désormais une tendance de fond.
Question : le macaroni et les cookies sans gluten ne sont-ils
qu'un simple phénomène de mode? Du chichi de pétasse? Ou plus
simplement une saine contre-offensive à des recettes
agro-alimentaires industrielles devenues carrément dangereuses pour
la santé des uns, moins des autres?
Par Serge Coosemans et Emmanuelle Raga
Le gluten est une molécule qui
se trouve dans des céréales telles que le froment, le seigle,
l'orge, l'épeautre ou encore le kamut. C'est du gluten que provient
l'élasticité des farines utilisées dans la panification
industrielle. Comme l'élasticité, ça rend joli, joli pour le
marketing surtout, on rajoute aussi du gluten dans les plats
préparés, les sauces, les épices moulues... Résultat des
courses : le taux de gluten ingurgité par le consommateur
lambda a considérablement augmenté avec l'industrialisation
alimentaire et nous sommes aujourd'hui confrontés à des
aliments au taux de gluten beaucoup plus important qu'il y a une ou
deux générations. Ce qui expliquerait le taux croissant
d'intolérances mais aussi un diagnostic plus systématique de la
maladie céliaque, problème génétique encore mal connu où toute
ingestion de gluten, même en microdose, provoque une réaction
auto-immunitaire qui s’attaque à l’intestin, pouvant provoquer
des problèmes aussi graves que l'infertilité et le cancer, en plus
de fatigues et de dépressions régulières.
La maladie céliaque restant mal connue et les intolérances
souvent considérées comme du chichi d'hipster fragile, le No Glu
tient pour certains du simple phénomène culturel, énième
déclinaison bio bobo. La référence No Glu est certes un avantage
commercial très actuel mais quand on gratte la surface des choses,
on se rend aussi vite compte qu'une vie sans gluten exige une
certaine discipline, du sérieux, c'est quasi une vocation. C'est que
sans gluten dans la popote, les habitudes culinaires sont à
totalement revoir. Il faut apprendre à appréhender de nouveaux
goûts et à doser correctement des mélanges de farines étranges
(pois chiches, tapioca...) dont la molécule est totalement absente.
C'est bien pourquoi on retrouve surtout en amont de la tendance des
personnes souvent elles-mêmes intolérantes ou céliaques, obligées
de s'inventer de nouvelles recettes gourmandes et de sexyfier un
régime sans gluten à contre-courant des habitudes alimentaires
actuelles, qui plus est à priori aussi plutôt (faussement) austère
(adieu plats de pâtes, adieu pains au chocolat, adieu bières...).
Quant à eux concernés par une éventuelle désaffection de leur
clientèle intolérante, médicalement ou par conviction, ce sont
chez nous principalement des restaurants italiens qui proposent au
moins un plat sans gluten sur leur carte, souvent
juste des pâtes spéciales mais parfois aussi des pizza comme chez
L’Italia in Tavola à Bruxelles ou Il Bacio à Liège. D'autres
établissements qui servaient depuis toujours une cuisine sans gluten
mettent aussi désormais cet aspect en avant, comme les crêperies
bretonnes (crêpes à base de farine de sarrasin) ou encore le Kokob,
resto éthiopien à Bruxelles, qui sert des crêpes de millet.
Citons encore le Mémé Café et ses pâtisseries sans gluten et le
Délirium Café, parce qu'en Belgique, trouver de la bière sans
gluten ailleurs que dans un magasin bio, ce n'est vraiment pas
évident. Santé, les intolérants!