Michel
Houellebecq n'a pour moi qu'un seul talent, mais il est énorme,
peut-être même actuellement inégalé, c'est de croquer le Français moyen dans
toute son insignifiante médiocrité. C'est cet art du portrait au
vitriol, de l'observation et de la caricature crasseusses mais
méchamment justes, qui donne son génie à Extension du Domaine de
la Lutte, à la première partie de Plateforme, à sa correspondance
fouteuse de gueule avec BHL, à quelques passages par ci, par là,
dans ses romans et ses nouvelles, mais aussi à son rôle dans le
formidable film de Guillaume Nicloux imaginant son enlèvement ainsi
qu'à son disque enregistré avec AS Dragon et Bertrand Burgalat ;
à cette époque où il était surtout obsédé par le tourisme, la
plaisance, les paninis-saumon et les estivants en short. Pour le
reste, Michel Houellebecq ne m'a jamais franchement convaincu. C'est
un écrivain que je suis essentiellement parce qu'il me fait marrer
mais dès qu'il sort de ce cadre bouffon, il m'indiffère, m'ennuie
même. Sa noirceur, sa tristesse et son désespoir ne me touchent pas
du tout, ce qu'il peut dire de la littérature me semble au mieux
masturbatoire, au pire inexact et, non seulement je trouve que la
plupart de ses théories et de ses pseudo-thèses relèvent du nawak
de comptoir le plus aviné mais surtout, malgré l'aplomb avec lequel
elles peuvent pourtant être défendues dans ses bouquins, je pense qu'elles
restent aussi très appromixatives, qu'elles ne vont jamais au fond
de ce qu'elles avancent. Ou à fond.
Quand
il imagine la vie éternelle, le sexe vu comme un modèle économique
ou une présidence musulmane à la tête de la France, Michel
Houellebecq reste en effet selon moi toujours trop vague, illogique,
dispersé. En fait, il se prend même souvent les pieds dans ses
propres envolées. Il n'arrive qu'à sortir des banalités, des
improbabilités, des grosses conneries. Son travail n'a jamais l'air
fort documenté et sa récurrente excuse qu'il n'écrit pas des
essais mais des romans, venant de lui, semble surtout servir d'alibi
à beaucoup de fainéantise ou de manque d'imagination. Ainsi, dans
Soumission, sa France musulmane n'est pas une seule seconde probable,
c'est même un décor à peu près aussi crédible que la France
ultra-libérale de 2017 sous Alain Madellin imaginée par Riad
Sattouf dans Pascal Brutal. Ca ne tient pas la longueur, ni la
réflexion, et même Wolfenstein tape davantage juste dans l'uchronie.
En fait, on pense à un sketch de Cocoricocoboy, tant on y
parle surtout de cul, de bouffe et de beaufitude. Assez étrangement, Soumission n'en est pas moins probablement le bouquin le plus honnête, le plus humble, le moins
vanneur aussi, de Michel Houellebecq. Ce n'est pas un pamphlet, ni
vraiment de la science-fiction. C'est naïf (très!), et y sont
surtout évoquées quelques idées faussement fortes qui pourraient
se lire dans la chronique d'un magazine parcouru chez le dentiste plutôt
que dans une oeuvre censée à la fois foutre le boxon social et
mental, en plus d' incarner au mieux l'air du temps.
Ce n'est pas un roman sur l'Islam, ce n'est pas un roman sur les Identitaires, ce n'est pas un roman sur une éventuelle guerre religieuse ou même sur le choc des civilisations et ce n'est certainement pas un roman islamophobe ou raciste. C'est un roman sur la fin de l'athéisme, de la social-démocratie, de l'humanisme, et comme l'indique très clairement son titre, c'est un roman sur la soumission à un ordre ou à une idée morale jugés supérieurs ; pour Houellebecq le seul moyen de trouver le bonheur dans la vie. En l'occurrence une vie facile de paresse intellectuelle où surtout bien bouffer et bien baiser. L'utilisation dans Soumission de l'Islam peut donc bien davantage passer pour un artefact que pour une provocation ou du racisme, parce qu'après tout, ça fait un bout de temps que Michel Houellebecq entend dans ses livres défendre l'idée que pour dépasser sa condition de misérable larve mortelle et angoissée, l'humain doit se fondre dans quelque-chose qui le dépasse. Ses bouquins précédents ont essayé le transhumanisme, le clonage, Raël ; voilà qu'il se laisse maintenant tenter par la religion, sans doute parce que c'est une idée à la mode sur TF1 et dans Paris-Match. Au prochain, ce seront peut-être les drogues de synthèse et la réalité virtuelle. Michel radote, autrement dit.
Ce n'est pas un roman sur l'Islam, ce n'est pas un roman sur les Identitaires, ce n'est pas un roman sur une éventuelle guerre religieuse ou même sur le choc des civilisations et ce n'est certainement pas un roman islamophobe ou raciste. C'est un roman sur la fin de l'athéisme, de la social-démocratie, de l'humanisme, et comme l'indique très clairement son titre, c'est un roman sur la soumission à un ordre ou à une idée morale jugés supérieurs ; pour Houellebecq le seul moyen de trouver le bonheur dans la vie. En l'occurrence une vie facile de paresse intellectuelle où surtout bien bouffer et bien baiser. L'utilisation dans Soumission de l'Islam peut donc bien davantage passer pour un artefact que pour une provocation ou du racisme, parce qu'après tout, ça fait un bout de temps que Michel Houellebecq entend dans ses livres défendre l'idée que pour dépasser sa condition de misérable larve mortelle et angoissée, l'humain doit se fondre dans quelque-chose qui le dépasse. Ses bouquins précédents ont essayé le transhumanisme, le clonage, Raël ; voilà qu'il se laisse maintenant tenter par la religion, sans doute parce que c'est une idée à la mode sur TF1 et dans Paris-Match. Au prochain, ce seront peut-être les drogues de synthèse et la réalité virtuelle. Michel radote, autrement dit.
(Photo : Cougar, sans son autorisation. (mais j'ai des dossiers, bro))