Sortie de Table, ma série d'été chez
Focus Vif, n'a pas fait de grandes vagues mais a reçu une sorte de
droit de réponse de la part d'Alexandre Cammas, le chroniqueur
gastronomique français qui édite le Guide du Fooding. Suite à
quelques erreurs techniques, son intervention a mis un peu de temps à
être publiée par Focus et je n'ai pour ma part seulement trouvé le
temps d'y répondre qu'aujourd'hui.
Salut Serge, C'est Cammas qui t'écrit.
Le "pape" "charmant" et "inoffensif" du
Guide et des événements Fooding pour reprendre tes mots.
Qualificatifs que je trouve à la fois trop et pas assez - mais il
est vrai que tu as une excuse : tu écris sur moi sans me
connaître... Google m'a donc gentiment transmis ta tribune. Que j'ai
lue avec intérêt, l'esprit encore en vacances, tout doux Dinky...
La fleur au bout de la plume, j'aimerais donc juste partager deux
trucs le temps d'un casse-dalle sur la route du retour. En ce qui
concerne Le Fooding, créé en 2000, je pense pouvoir dire qu'il a
survécu et survivra encore aux Tv food programmes dont tu causes.
Nous avons notamment vu naître et mourir les chaînes Gourmet de
Robuchon et Cuisine + de Canal +, plus quelques autres émissions en
prime time, bien mieux dotées que nous ne l'étions et le sommes
aujourd'hui encore. Sans aucune espèce de prétention, je pense
pouvoir dire que notre public n'a rien à voir avec les versatiles
amateurs de reality shows en tout genre. Je l'espère en tout cas. Je
ne partage absolument pas ton point de vue sur Gault Millau. Qu'ont
fait Gault Millau ? Ils ont démodé une cuisine pour riches et
refourgué à la place une nouvelle cuisine pour riches, mis en place
un nouveau régime gastronomique autoritaire, conservé les Porsches
dans les parkings de leurs best restos... Il y a sûrement plus
moderne, non? Ce n'est pas, cher Serge, parce qu'on dézingue un
pauvre cuistot à l'ancienne qu'on n'est pas un réac comme les
autres... Pas parce que l'on tue ses pères que l'on n'en devient pas
un père pire... Voire encore pire dans le cas d'Henri Gault. Coffe
ne démentira pas. Moi ce qui m'excite dans toute cette histoire, ce
n'est pas la révolution d'assiettes. Mais la révolution culturelle
que l'on ne peut ignorer et qui n'a eu lieu ni sous GaultMillau, ni
sous Coffe. Je te laisse méditer tout ça, il me reste quelques
chips à grignoter, une tomate cerise à gober et 500 bornes à
tracer. Bonne rentrée à tous.
***********
@Alexandre Cammas : s'il est vrai
que nous ne connaissons pas du tout, cela fait tout de même un
moment que je tombe régulièrement dans la presse sur ce vous
écrivez, défendez, racontez. J'étais lecteur de Nova en 2000, j'y
lisais vos papiers. Je suis lecteur de Gonzai en 2015, j'y ai lu (et
cité dans Sortie de Table) votre longue intervention tirée de
l'article sur la Brasserie Barbès. Je persiste et signe : ça
donne de vous une image publique charmante et inoffensive.
Vous me parlez de « révolution
culturelle qu'on ne peut pas ignorer », de « révolution
d'assiette », vous minimisez l'influence de la télé-réalité
culinaire sur les gens et vous me dites que Gault et Millau n'ont fait
que « démoder une cuisine pour riches pour refourguer à la
place une nouvelle cuisine pour riches ». Je pense que j'ai le
droit de n'être absolument pas d'accord, voire même de rigoler.
Non, mais Alexandre, qu'est-ce que vous croyez que vous faites en
réalité ? La révolution ? Un guide Fooding pour prolos et autres damnés de la Terre ?
N'êtes-vous plutôt pas vous-même occupé à démoder une cuisine pour très
riches pour refourguer à la place une nouvelle cuisine pour moins
riches et wannabe riches ?
Il se fait que je ne suis pas
complètement noob dans la critique gastro ou le journalisme
culinaire. Il y a 15 ans, j'ai par exemple sorti deux tomes du Petit
Futé Bruxelles. On y a listé les baraques à frites, les bistrots
de punks à chiens et les hard-discounts et je n'ai pourtant jamais
prétendu avoir pondu quoi ce soit de révolutionnaire ou de moderne.
En fait, j'ai juste rempli le cahier de charges pour que les bouquins
rencontrent leur public potentiel, en l'occurrence les crevards, les
étudiants et les démerdards. Vous savez comme moi que c'est la base
d'une saine entreprise éditoriale: savoir à qui on s'adresse.
Allez-vous essayer de me faire croire que vous, le Fooding, vous ne vous adressez pas
aux gens qui ont assez de pognon pour aller au resto, même si
l'addition par tête se monte à 100 balles plutôt qu'à 500 ?
Que cela vous plaise ou non, votre public est bourgeois. Que cela
vous plaise ou non, la révolution culturelle dont vous parlez relève
du fantasme parce qu'en réalité, vous avez juste réussi à ce que
des gens qui s'excitaient il y a 15 ou 20 ans devant des chaînes
hi-fi, des paires de sneakers et des fringues de designers street s'excitent
aujourd'hui devant des assiettes de gastronomie potache. C'est une
opération commerciale smart quand on vit de la vente de guides
gastronomiques, ça oui, mais ce n'est certainement pas une
révolution. Du moins est-ce mon avis... Bisous
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