Première interview pour La Guerre
du Son, mon nouveau bouquin sorti il y a une semaine. C'est Filiber, le magazine gratuitement distribué
dans les librairies Filigranes qui s'y colle. Sept questions par
mail. J'y ai répondu tranquillement chez moi en buvant du vin et en
écoutant du rock garage. Un poil pompette, donc. Ce qui explique le petit ton Amélie Nothomb de certaines répliques...
1/ Serge Coosemans, vous publiez La
Guerre du Son à La Muette. Vous avez visé
particulièrement cet éditeur pour son nom ?
Je suis resté complètement aveugle à
cette correspondance durant une bonne partie de l'écriture du livre
mais j'espère bien que son propos ne tombera pas dans l'oreille d'un
sourd.
2/ Vous ne manquez ni d’humour, ni
de style, et vous n’hésitez pas à vous mettre en avant, à
personnifier votre sujet. C’est inhabituel dans un ouvrage de
société, que l’auteur ait une personnalité. Nous sommes plutôt
habitués, sur des sujets de santé publique ou d’environnement, à
ce que l’auteur se dissolve. On vous a laissé faire ?
Les législations
sur le bruit, les soucis auditifs, les méthodes d'enregistrements
sonores qui posent problème ainsi que les principes de précaution
médicaux prônés par l'OMS, c'est tout sauf funky. On peut donc y
aller façon TF1 : interviews de gens gris et cernés, alarmisme, un
ton de médecin soviétique à faire flipper les ménagères. Ou
alors essayer de prendre un peu de recul et peut-être même de
hauteur et alléger le tout par l'humour. Les Anglais font beaucoup
ça. Ce n'est pas du tout inhabituel.
3/ La guerre du son, c’est la
guerre entre qui et qui ?
Le politique et
les organisateurs de concerts, les médecins et les équipementiers
audio, les radios entre elles, les groupes musicaux entre eux, le
voisin du bistrot contre le DJ du bistrot, des organisations
citoyennes contre des organisateurs de festivals, etc, etc... Bref,
ce bon vieux « tous contre tous ».
4/ Ce livre aborde à la fois les
prévisions alarmistes de l’OMS – 1 milliard de sourds en 2050
(sans compter ceux qui n’entendront pas cet appel) –, la
problématique du boucan, et pas seulement celui des bars… mais
aussi celui de la liberté, comme si le bruit était une liberté
dont les autorités souhaitent nous priver (pour notre bien), mais en
ne considérant que le bruit causé par la musique…
Les autorités suivent des modes et
s'attaquent aujourd'hui au « bruit » comme elles se sont
jadis attaquées à l'alcool, à la conduite sportive, au cholestérol
ou à l'ostéoporose. Il ne s'agit pas de priver les gens d'une
liberté fondamentale mais plutôt de régler un « grand
problème sociétal » avec la finesse d'un éléphant dans un
magasin de porcelaine. Moi, je pense que le problème du son est tout
aussi insoluble que ceux de l'alcool, de la vitesse et du gras. Parce
que des gens aiment ça. Des gens produiront et chercheront donc du
boucan même si celui-ci en venait à être prohibé. Une certaine
musique s'apprécie à un niveau sonore élevé et on ne danse qu'à
partir d'un certain nombre de décibels. Oui, c'est potentiellement
dangereux. Mais moins que l'usage professionnel régulier
d'écouteurs, le meilleur moyen pour devenir sourd, ou la
fréquentation de festivals, pas triste non plus pour les oreilles.
S'attaquer au bruit, c'est du marketing politique. On prône quelques
mesures faciles, cosmétiques et symboliques ; des limites qui
seront de toutes façons transgressées. « Peut mieux faire »,
comme disait mon bulletin à l'école.
5/ Au cours de vos recherches, vous
avez rencontré plusieurs « responsables » locaux qui ont
en charge, notamment, la prévention. Franchement, ils sont
compétents ?
Ils sont persuadés de l'être, le sont
sur certains points, moins sur d'autres, et diront de toutes façons
que moi, je ne le suis pas. Le combat politique et médical contre le
bruit tient de la croisade. Il y a vraiment un côté « en
mission pour Dieu et pour le bien de la Civilisation ». Ca ne
rigole pas. Le discours est à la fois alarmiste, grandiloquent et
plein de mauvaise foi. On m'a notamment accusé de prendre les
acouphènes à la légère et de ne pas savoir de quoi je parlais.
Alors que j'ai un acouphène, que je connais tout un tas de gens qui
en ont. Certains en souffrent, d'autres non. Certains l'ont à cause
de la musique, d'autres non. C'est un phénomène très répandu et
on ne peut pas chaque fois accuser la musique amplifiée d'en être
la source, ni avancer que ceux qui en ont vivent un enfer permanent.
Or, c'est comme ça que l'acouphène est quasi systématiquement
présenté dans les campagnes d'information et de prévention. Ce
n'est pas de l'incompétence, plutôt de la propagande.
6/ Vous qui aimez sortir et écouter
de la musique, quelles sont vos recommandations ?
Elles sont dans le livre. Perso, je
n'utilise que très rarement des écouteurs et j'évite au possible
les festivals. Une soirée dans un bar ou dans un club ne dure que
quelques heures, un festival 3 ou 4 jours. Forcément, même à un
volume sonore « médicalement approuvé », les oreilles
se fatiguent. Vanter les mérites d'un festival et considérer les
concerts ou quelques heures en boîte comme nocifs, c'est une
complète aberration.
7/ Conclusion : Espérez-vous un
grand mouvement pacifiste qui fera bouger les foules pour la paix…
du son ?
« Dans cet
univers plein de bruit et de fureur, c'est le bruit des uns qui
provoque la fureur des autres », a dit Antoine Blondin. Le
silence n'existe pas sur Terre et n'a jamais existé. Bref, je pense
vite avoir assez de matière pour quelques volumes supplémentaires
de cette guerre du son.