On va
tenter de remettre un peu de vie sur ce blog. Pour des raisons de
droits, il se fait que je ne peux plus poster ici ce que je publie
ailleurs. Mais je peux le commenter, forcément. Voilà donc une
nouvelle rubrique, Le Service Après-Vente, qui raconte les
coulisses, le making-of, balance les « scènes coupées »
et répond aux critiques des papiers que je pond dans différents
magazines et sur quelques sites.
Premier épisode : la chronique
« Bertrand Cantat, un produit Universal », publiée ce
jeudi 19 octobre 2017 sur le site du Focus-Vif.
Noir Désir,
j'ai bien aimé l'album Tostaky à sa sortie. Je l'avais sur cassette
avec Repeater de Fugazi sur l'autre face. J'ai écouté ça quelques
mois, puis ça m'a gavé et je ne me suis plus jamais intéressé à
ces groupes. D'ailleurs, je confonds toujours Noir Désir avec
Téléphone. Tout récemment encore, j'ai même du vérifier lequel
des deux avait sorti La Bombe Humaine.
Un truc me
dérangeait déjà à l'époque. Je trouvais le son du groupe
intéressant mais je n'aimais pas du tout ce qu'il dégageait. Leurs
tronches de dockers, ce total-look Lavilliers, la gloriole
pseudo-humaniste, cette impression d'avoir affaire à des ados
bouillonnants qui ne peuvent pas s'empêcher de se branler dans la
viande hachée. Des clichés rock et je n'ai jamais été très rock
ou alors rock à la Bowie, à la Bauhaus – rock tarlouze, quoi. A
l'époque de Tostaky, j'étais d'ailleurs surtout dans The Orb, Meat
Beat Manifesto, William Orbit et les Beastie Boys. De la musique de
geeks ganja et multiculturels. L'antithèse de Noir Désir.
Je me suis
d'ailleurs toujours méfié des performers qui rendent les gens
vraiment dingues : U2, Radiohead, Noir Désir, Johnny Hallyday,
Elvis, Manu Chao, Clo-Clo, Morrissey en solo, Mélenchon... J'ai même
un moment pensé écrire un bouquin là-dessus, sur les fans, sur ce
rapport quasi religieux entretenu pour et par une personnalité.
J'avais envie de comprendre. Avant de comprendre que cela ne me
fascinait pas du tout, que cela me faisait juste pétocher. On va
éviter de justesse le Point Godwin et les allusions à Gustave Le
Bon mais vous voyez où je veux en venir. Les mecs qui flottent
continuellement 10 centimètres au-dessus du sol et déclenchent des
ferveurs démentes parmi les foules, je m'attends toujours à ce
qu'apparaisse soudainement à leurs côtés un Terminator renvoyé
dans le temps corriger le passé.
Des
Bertrand Cantat, des wife-beaters, il y en a très probablement une
chiée encore en activité et pas seulement dans le rock, dans la
culture en général. Des Cantat et des Weinstein. S'il y a bien une
phrase obsédante qui a tourné ces derniers jours, c'est «Tout
le monde le sait mais personne ne dit rien ». Comme pour les
violences de Polbru, comme pour les délires sexuels et les problèmes
de cocaïne dans l'horeca, pour parler de choses que je connais un
peu. Forcément, pour que ce genre de débilités s'épanouisse, il
faut de l'impunité et du cynisme. Bref, un système qui regarde
ailleurs au mieux et au pire, se sert de la saloperie pour engranger
davantage de cash. Ce que dénonce la chronique de Focus, tout
simplement, écrite un peu vite et très éditée, vu qu'au départ
un peu trop juridiquement discutable.
Certains
l'ont trouvée vide, d'autres exagérée. « Faut arrêter avec
Cantat, il a purgé sa peine, il est quitte », a-t-il été
avancé par des gens que je n'arrive pas à ne pas suspecter d'être
juste nostalgiques d'une époque plus simple dans leur rapport à
Cantat, celle où ils ont fait l'erreur de le juger admirable,
peut-être même de s'être reconnus ou fantasmés en lui. Faut
arrêter de déconner, les gars. Cantat a tiré 3 ans de taule au
lieu de 8 et en France, il aurait probablement été condamné au
double, minimum. 3 ans, c'est la ristourne du siècle. Je ne suis pas
pour qu'on le pende, je ne suis pas pour qu'on le traque, je trouve
même qu'il a encore tout à fait le droit de sortir des disques et
des livres. Ce qui ne passe pas du tout, en revanche, c'est qu'il
aille pavaner son malaise existentiel en couverture d'un magazine ami
de 30 ans et régulièrement partenaire des campagnes promotionnelles
de son label. Ce n'est pas passer à autre chose. C'est jouer de son
passé de merde pour tenter de mieux (se) vendre. Et c'est totalement
gerbant.
PS: la
photo qui illustre ce post est un extrait d'une interview de Bertrand
Cantat accordée aux Inrockuptibles dans leur numéro 15, celui de
février/mars 1989, avec New Order en couverture. Si ça ne vous fait
pas froid dans le dos et que vous en voulez plus, désolé, pour moi,
vous avez vraiment un putain de problème.