mercredi 13 février 2019

ALORS, ON DANSE ?


Si on en croit certain.e.s, je serais une Ligue du LOL à moi tout seul. C'est une accusation à peine masquée qui traîne sur Twitter et il y a d'autres trucs qui vont dans ce sens qui me reviennent depuis trois jours. Je vous arrête tout de suite.




Je n'ai pas connaissance d'un tel club en Belgique et s'il existait, cela ne m'intéresserait pas d'en faire partie. Je n'aime pas les réseaux, les meutes, les clubs. Le seul forum Internet dont j'ai réellement fait partie, sous pseudonyme, est celui du magazine Technikart, de 1999 à 2003. En sont sorties des amitiés, des complicités durables et des millions de barres de rire. Aucune acrimonie, aucune accusation malsaine. On y a surtout bien rigolé. Rigolard, c'est ce que je suis. J'aime rire, j'aime faire rire, je ris beaucoup et rire est carrément le moteur de ma vie. C'est pourquoi je fais le job que je fais de la façon dont je le fais. Or, quand je vois ce dont sont accusés certains membres de la Ligue du LOL, je ne rigole pas. Je ne trouve pas ça drôle, du tout. Cet humour là ne me correspond pas. Me foutre ouvertement de la gueule de certaines personnes me correspond, certes. Mais pas de cette façon là.

Je me sens en fait carrément diffamé quand on ose insinuer que je suis un équivalent belge de cette Ligue du LOL et c'est bien pourquoi je ne prends pas ces allusions à la légère et compte très sérieusement les faire poursuivre. Vu le contexte actuel à fleur de peau et la potentielle nuisance que pourraient causer de telles accusations, même plutôt vagues, à moi mais aussi à mes proches, à mes clients ainsi qu'à certains de mes projets collaboratifs, je ne peux pas laisser passer ces petits jeux à la con, cette simple diffamation qui profiterait d'un contexte chaotique pour se déguiser en dénonciation courageuse. Il n'y a pas de « peur qui change de camp », je ne « me chie pas dessus » comme j'ai pu le lire. Je ne suis pas du tout en train de flipper à l'idée de ce que pourraient dénoncer certain.e.s. Je dis juste que si vous voulez m'accuser de quoi que ce soit de scabreux, il faut l'assumer IRL, car je ne laisserai pas cantonnées ce genre de conneries à cette cantine un midi de frites que sont devenus les réseaux sociaux, ni les laisser se transformer en feuilleton on line pour gros imbéciles-couillons qui postent juste des commentaires avec des GIFS de Michael Jackson et son seau de pop-corn.

Si je les avais connu à l'époque, il y a en fait de fortes chances que j'aurais été solidement en bagarre avec ces types de la Ligue du LOL, parce que la fanfaronnade trempée dans la bêtise crasse, c'est souvent ça, le déclencheur de mes moqueries. Autre chose à ne pas confondre : se moquer des gens et le harcèlement. Le droit belge a une idée assez claire de ce qu'est le harcèlement : porter atteinte à la vie privée de quelqu'un, de façon répétée, dans l'intention d'affecter gravement la victime. Est-ce que c'est ce que je fais quand je me fous de la gueule d'un Rudy Léonet, d'un Thierry Coljon, d'un Hugues Dayez, d'une Béatrice Delvaux, d'un Jérôme Colin ou d'un Marcel Sel ? Bien sûr que non. Je n'aborde pour ainsi dire jamais leurs vies privées, sauf un moment dans le cas de Marcel Sel, quand il a été possible qu'il existe un maousse conflit d'intérêt entre son boulot politisé alors bien caché et sa posture de chevalier blanc sur Internet ; ce qui pouvait tenir de l'info exploitable pour un journaliste.

C'est donc leur image publique que j'attaque, dont je ris, et plus souvent encore strictement leur travail médiatique que je critique. Je n'ai pas de plaisir à nuire, ce n'est pas ce que je recherche, mais j'en ai à tenter de dégonfler les baudruches ; c'est-à-dire critiquer des talents supposés, relever des grosses conneries, questionner des places dans les médias et dans la culture et donc aussi d'éventuelles inaptitudes criantes. Je ne vois pas ce que cela aurait à voir avec du harcèlement ou alors toute critique politique, médiatique et culturelle ne tenant pas du one-shot relève du harcèlement. C'est d'ailleurs aussi en partie un job pour lequel je suis payé. Par des gens qui trouvent donc cela suffisamment intéressant pour être publié et donc aussi juridiquement clean.

Tout rigolard et au fond plutôt sociable que je suis, j'ai sinon un putain de caractère. Je me fous de ce que l'on pense de moi, de paraître sympathique ou non. J'ai un truc, même désagréable, à dire, je le dis. Je n'ai rien à dire, je ne parle pas. Du tout. Je n'ai aucun souci à être froid, ouvertement moqueur, à balancer aux gens qu'ils m'emmerdent et qu'ils ont vraiment l'air cons. Je n'ai aucun souci à passer pour une saloperie de teigne arrogante, à quitter un projet collaboratif sur un coup de tête, à dire ce que je pense des articles torchés avec les pieds publiés dans les mêmes publications que moi, à insulter une femme comme j'insulterais un homme. Je n'ai aucune patience pour ce qui m'ennuie et j'ai aussi une sainte horreur d'être bousculé, pris de haut, servi comme une merde, questionné quand je n'ai pas envie de causer. J'ai un fond misanthrope, j'ai des poussées sociopathes mais je ne suis ni sexiste, ni raciste, ni homophobe. Ce qui n'a pas l'air d'être clair pour tout le monde.

Mais là encore, se prendre une volée de bois vert ou trois messages d'insultes sur Internet, je n'appelle pas ça du harcèlement et la loi belge non plus d'ailleurs. Vu mon humour relou et mon vocabulaire de charretier, c'est éventuellement de l'outrage. Autrement dit, un truc qui coûte drôlement moins cher au moment de payer l'amende et qui, contrairement au harcèlement, ne fait pas perdre son boulot. Ce n'est pas le même degré de gravité. De nos jours, il faut dire que l'accusation de harcèlement, tout comme celle d'antisémitisme, est devenue une arme moderne assez efficace, utilisée à tort et à travers. Ca fait monter aux rideaux, ça rend irrationnel, ça provoque des emballements pétochards complètement disproportionnés. Je ne dis pas que c'est systématiquement mensonger. Ca ne l'est pas. Mais ça peut l'être et ça l'est dans le cas qui m'occupe puisque moi, je n'ai pas de kompromat qui me pourrit la conscience. Aucun dossier dont je serais honteux. Aucune excuse à fournir. En revanche, j'ai une aptitude presque surnaturelle à froisser les égos et c'est bien ça, pas un comportement outrageusement illégal, que l'on songerait aujourd'hui à me faire payer. Parce que ce scandale de la Ligue du LOL a ouvert une bonne petite fenêtre de tir et que le moment semble donc opportun à quelques conn.e.s pour essayer de semer la confusion entre muflerie et harcèlement, irascibilité et volonté de détruire des jeunes carrières, vannes vachardes et domination systémique.

Mes dossiers les plus troubles sont classés depuis longtemps. Il y a des gens que j'ai malmenés avec qui j'ai fini par devenir pote. Des éponges ont été passées sur des ardoises, des calumets ont été fumés, des pactes de non-agression approuvés. Il m'arrive donc de m'excuser, tacitement et même plus ouvertement, mais je n'ai pas l'impression que cela doive et même que cela puisse arriver avec celles et ceux avec qui j'ai pu me friter disons ces cinq dernières années et qui, pour la plupart, en tiennent une solide couche. Certaines de ces personnes, profitant de la vague d'indignation suscitée par l'affaire de la Ligue du LOL, seraient aujourd'hui très tentées de me balancer sur le coin de la gueule une accusation éventuellement groupée de harcèlement. Ce ne sont que des rumeurs, des allusions, une menace fantôme. Ca joue avec l'idée, sans avoir vraiment de quoi la concrétiser, et aussi parce que le sujet est porteur dans les rédactions et sur les réseaux sociaux. Cela ne me fait pas peur mais cela me fâche car ce n'est rien de plus qu'un bon gros coup de grosse bouse : sortir la bombe atomique pour répondre au doigt d'honneur, utiliser ce féminisme actuellement en odeur de sainteté pour mener de bêtes vendetta égotiques personnelles. C'est tout simplement diffamer et imaginer chercher à me nuire dans mon travail et dans mes relations à une époque où ce genre d'accusation est très difficile à contrer même quand elle n'est pas du tout pertinente.

Tombe en France une vraie bande de connards et on en est à imaginer me faire passer pour quelqu'un du même bois. Je n'ai pourtant jamais agi comme l'ont fait ces types de la Ligue du LOL. J'ai froissé l'égo de divas médiatiques et j'ai chicané publiquement le travail de collègues et de confrères que j'estime nullards. J'ai insulté des imbéciles qui venaient faire les mariolles sur mes pages sociales et je me suis pris le chou publiquement avec des micro-célébrités. Vous pouvez trouver ça grave, taré, impardonnable, irresponsable, infantil, peu déontologique et complètement mufle mais jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas photoshopper un pénis dans la bouche d'un homosexuel ou d'une youtubeuse ou encore coller un tatouage de croix gammée sur la photo d'un Juif pour ensuite faire tourner le tout sur des réseaux professionnels. Ce n'est pas monter un canular pour piéger une fille en surpoids psychologiquement perturbée qui cherche à s'acheter un scooter et en profiter pour la ridiculiser à grande échelle. Ca, ce sont de véritables trucs qu'a fait la Ligue du LOL et ça n'a strictement rien à voir avec ce que je fais et ce que je dis, même le pire.

Ce n'est pas non plus la même audience, vu que l'on parle bien d'une bande de kékés en groupe organisé issus des milieux influents parisiens alors que de mon côté, cela fait vingt ans que je travaille seul à la maison. Je ne suis pas un winner à la con de 34 ans sorti d'une haute école de journalisme et gérant une rédaction parisienne, je suis un pigiste autodidacte de presque 50 balais actif dans une partie de pays où la presse écrite est en état de mort cérébrale depuis au moins quinze ans. J'ai des potes, je connais du monde, j'ai publié un livre avec un ministre. Mais je n'ai aucun réseau, aucune influence, aucun privilège, pas de stagiaire à traumatiser. Je n'ai même aucune perspective de carrière et pas vraiment de statut, sinon celui d'intérimaire cinq jours par mois, vu que je passe par la SMART pour faire facturer mes prestations. Anecdote parlante : la dernière fois que j'ai ramené plus de 12 000 balles nets sur une année fiscale, Georges W Bush était encore président. Ou Bill Clinton, je ne sais plus. C'est donc pas mal couillon de me comparer à des types qui ont quasi la moitié de mon âge et se prennent pour les Rois du Monde parce qu'ils sont salariés chez Libé et aux Inrocks en début de carrière et en tirent une vaine gloriole. Ce n'est pas du tout le même univers. Ni les mêmes enjeux. Ni les mêmes modes opératoires. Ni les mêmes motifs.

Que leur attitude soit malgré tout estimée similaire à ce qu'il m'arrive de balancer sur les réseaux sociaux et dans des chroniques et que cela devrait donc être dénoncé, voire puni de la même façon, est une aberration qui selon moi en dit long sur la perte de sens commun et de nuances mais surtout sur l'amplitude de l'égo des personnes concernées. Et puis aussi sur leur bêtise crasse, sur leur parano biaisée par une mauvaise compréhension du féminisme, sur leurs habitudes à manigancer comme dans Koh Lanta et sur leur revancharde malignité. C'est un bûcher des vanités version Twitter wallon. C'est pathétique, je n'ai aucune envie de jouer à ça et c'est bien pourquoi je n'en parlerai plus après ce post. Le reste se règlera IRL. Là où les conneries ont de vraies conséquences, pas juste une quarantaine de likes. Alors, on danse ?