Ce jeudi 14 février 2019, le compte Facebook du défunt magazine RifRaf (1994-2016) a été réactivé le temps d'y publier une chronique assez gratinée et faussement anonyme sur Myriam Leroy. On peut la trouver gratuite et déplorable, on peut aussi la trouver drôle et pertinente.
C'est discutable. Mais la plupart des gens, du moins sur les réseaux sociaux, ne l'ont estimée que bassement sexiste. Et c'est là que je m'insurge.
En tant qu'ancien rédacteur en chef (1995-1999) du magazine en question et instigateur de certaines de ses politiques éditoriales durables, pour commencer, je crois qu'il est déjà important de rappeler quelque-chose de primordial à notre époque de safe-spaces et de trigger-warnings : RifRaf s'est depuis 25 ans toujours attaqué aux discours et aux postures jugé(e)s problématiques des personnalités des médias et de la culture. Peu importe que cela choque, peu importe le sexe des personnes visées et même leur degré de séparation avec des amis. Peu importe que les différents rédacteurs du magazine soient d'accord entre eux sur le choix de la cible, aussi.
RifRaf a certes toujours été largement de gauche mais politiquement correct, non. Et sexiste, non plus. Ce qui est génialement « fuck off , you twats » à rappeler aujourd'hui, c'est que de mon temps, on y comptait quasi autant de meufs que de mecs. Il y avait des chroniqueuses métal. Des chroniqueuses techno. Des chroniqueuses pop. Des meufs dont l'article était en couverture. Des meufs qui interrogeaient des stars alors que les mecs de la rédaction n'avaient sur le mois qu'une chronique d'un CD des Fatima Mansions ou de Dodgy à expédier. Des meufs qui n'ont jamais été harcelées et ont même carrément été encouragées, soutenues et poussées à donner le meilleur d'elles-mêmes. On n'y a jamais fait gaffe, tellement ça semblait tout naturel. Depuis, signe des temps, on m'a dit que ce n'était pas une anecdote négligeable, que c'était presque la « parité avant tout le monde » et qu'il fallait claironner ça pour rehausser ma propre réputation de merde. Ouais, bon, c'était en 98. Alors certes, en 19, alors qu'une certaine Conspiration des Pouffes cherche aujourd'hui à me nuire en me peinturlurant en abjection sexiste, c'est un souvenir suffisamment cool que pour les faire s'étouffer dans leur Salade Tout, mais bon...
Les années où je fus rédacteur en chef de RifRaf, je n'ai pas toujours été 100% raccord avec le contenu que j'ai pourtant accepté de publier. Mais laisser une liberté de ton et de style maximales s'y exprimer , ainsi que des opinions aussi variées que possibles, était et reste un idéal. En 1997, j'y attaquais surtout Rudy Léonet et Thierry Coljon. 22 ans plus tard, il me semble dès lors logique que d'autres aient envie de s'attaquer à Pascal Claude, à Jérôme Colin et à Myriam Leroy. Update contemporain, new names. Ce n'est pas choquant, du tout. Ce n'est pas non plus sexiste, quoi que l'intéressée ait pu hurler et mettre en scène. Le texte à l'encontre de Myriam Leroy a été largement accusé de misogynie et de sexisme. Okay, les vannes auraient pu être meilleures, davantage finaudes. Mais les gens se sont surtout cabrés sur des allusions sans réellement les comprendre. Le fond, ce n'est pas non plus s'attaquer à une femme des médias. Le fond s'attaque à une hydre régulièrement combattue par le magazine depuis 1995. Pas à une femme, à une HYDRE !
Il y a une culture souterraine belge qui gronde, qui éructe, qui ventile et disperse façon puzzle mais boum, il y a un mur, un filtre, une culture d'entreprise qui s'oppose à sa médiatisation dans le grand-public et, kaboom, il se trouve que Myriam Leroy se trouve être une brique de ce mur, même si elle prétend régulièrement tout le contraire. Elle sait faire partie de ce mur. Cette chronique de RifRaf et ce texte qui la commente ne l'attaqueraient d'ailleurs pas si ce n'était pas le cas. C'est même le cœur de ce putain de texte publié par RifRaf : une créature médiatique se plaignant d'un manque de suivi pour sa propre production alors que tous les tapis rouges en stock lui ont été déroulés et que sa propre culture personnelle et sa propre curiosité culturelle ne sont qu'assez limitées.
Alors ouais, j'ai peut-être bien à redire sur le ton, l'angle, la forme et le vocabulaire du truc. Corriger est devenu mon métier, après tout. Editer, corriger, rewriter. Reste que cette chronique n'est jamais qu'un « J'aime Pas (ou Plus) Myriam Leroy » faisant assez bien écho aux fameux « Myriam Leroy n'aime pas » de jadis. Bref, pas de quoi en appeler au lynchage de l'auteur du texte sur Instagram, pas de quoi non plus se plaindre d'un traitement sexiste, misogyne et « glaçant ». Si Myriam Leroy peut critiquer à la mitrailleuse lourde les fans du sosie wallon de Justin Bieber, les DJ's de province, le fan-club gay de Madonna et même les tarés au bras raide gravitant autour de Dieudonné, pourquoi ne pourrait-on pas, avec la même mauvaise foi, avec le même humour voulu trash, avec la même syntaxe aléatoire... critiquer Myriam Leroy ?
C'est la question à 400 000 boules, mine de rien. Viser une tête de gondole à RifRaf n'a jamais relevé de l'appel à la meute, du lynchage, de l'accusation de sorcellerie. Tout ce que ce magazine a pu éructer de pire n'a jamais dépassé le rire désespéré, la flamboyance de perdu, de déclassé, de dominé. Batailler pour que la culture du belge moyen situe Gravenhurst, Haruki Murakami, les Editions de Minuit et Flaming Lips plutôt que Victoire de Changy, Romain Detroy, les chansons electro-pop du fils Geluck ainsi que l'artisanat du show-bizz linkebeekois dénote surtout d'une volonté de tirer les gens vers le haut, pas spécialement d'une intention de nuire. Et encore moins de faire détaler qui que ce soit des réseaux sociaux.
La grille de lecture contemporaine se gargarise de sexisme, de volonté de domination masculiniste et se perd dans des accusations débiles où le troll rigolard se voit caricaturé en mâle dominant au sommet de la hiérarchie sociale. A vue de pif, Myriam Leroy gagne pourtant 4 à 5 fois plus par mois que l'auteur du texte incriminé, mec qui n'en a même pas vraiment après elle, la prenant juste comme exemple d'un « entre-soi façon Reyers » évidemment dégobilatoire et évidemment aussi problématique que le proverbial éléphant dans la pièce. Alors, quoi ? Accuser ce simple sniper isolé d'être une erzats de Ligue du Lol, lâcher sa photo, son identité et là où il pige sur Instagram serait une réponse acceptable à une simple chronique à charge ? Impliquer sur les réseaux sociaux le nom des journaux où il travaille, ce qui a été interprété par certains lecteurs comme un appel au boycott de ces publications, c'est pas un peu déplacé? Non? Mais c'est qui alors la putain de Ligue du LOL dans ce cas là ? Le mec tout seul qui écrit ce qu'il pense dans son coin sans même se rendre compte du bad timing parce que bon, hein, la vie est ailleurs que sur Twitter et Facebook ? Ou la diva vexée qui appelle ses 3000 fans à lui pourrir la vie ? Ouais, BEAM ME UP TOO, SCOTTY!