mardi 5 janvier 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (4)

Janvier 2021 - Elon Musk m'a tout l'air d'être un sacré pistolet. Dans 20 ans, il sera sans doute agent immobilier sur la Lune et là, il est déjà assez givré pour commercialiser des lance-flammes qui doivent surtout se vendre chez les rappeurs. Voilà qui me suffit à le cataloguer dans la section «siphons et tournesols ». Reste qu'Elon Musk n'en est pas moins aussi quelqu'un qui symbolise pour moi au mieux cette première partie du XXIème siècle. Déjà rien que le nom sort tout droit de Blade Runner. Ses projets et ses entreprises ne m'emballent pas spécialement et ne me font guère rêver mais ce sont des types comme lui et des idées comme les siennes que la science-fiction de ma jeunesse m'a promis pour ma cinquantaine. Pas de gnangnans militants de la pédale sur pavés urbains.


C'est le mois dernier que j'ai découvert sur Twitter la militance cycliste. Je savais que cette engeance existait, sans plus. Quand j'écrivais le bouquin avec Pascal Smet, il m'avait un peu évoqué les associations cyclistes fort vindicatives et ceux qu'il appelait les « Lycra Boys » mais je n'avais pas trop insisté pour en savoir plus, estimant que cela tenait principalement d'un folklore peu intéressant. Aujourd'hui, ça reste pour moi du folklore mais du folklore qui me rend hilare, vraiment. Nous sommes au XXIème et des gens osent sérieusement avancer que transporter une armoire normande à vélo à Bruxelles est moderne. Nous sommes en 2021 et des travailleurs se disent fiers de pédaler de 40 à 80 bornes par jour dans une ville vallonnée, pavée et polluée ; où il fait soit trop mouillé, soit trop chaud, et pour à peine plus de 1000 balles par mois. Ca m'éclate, cette servitude volontaire. Surtout quand c'est en plus emballé dans une sorte de charabia messianique où viennent faire coucou le changement climatique et l'avenir de l'humanité.


Moi, je suis piéton. De la team discrète mais illuminée, qui a lu Werner Herzog, Iain Sinclair et Bernard Ollivier avec les orteils qui picotent de plaisir. Je ne pédale pas plus que je ne conduis, donc. D'ailleurs, à 51 balais, je n'ai même pas le permis. La prolifération des trottinettes et des vélos en ville me désole malgré tout. En 2021, c'est dans le décor urbain de l'Age de Cristal que j'aurais aimé vivre, pas retourner en plein Germinal. Plus sérieusement, je pense d'ailleurs que c'est une démission politique d'ampleur d'encourager les gens à s'acheter des vélos et à utiliser des putains de trottinettes comme des gros bébés débiles plutôt que de développer des transports publics décents. Que l'on défende toute cette merde infantilisante comme une solution miracle me fait pisser de rire. Jaune, donc. Que des zigotos postent des photos de leurs bécanes comme si c'étaient leurs gosses me fait par contre rire de fort bon coeur. Les monstruosités qu'ils transportent avec fierté m'éclatent, tout comme leurs petits couinements enregistrés par leurs caméras de casques quand un beauf en bagnole leur fait une tête à queue à Meiser ou Chaussée de Gand. Quand je m'emmerde, je me mate désormais des bodycams de cyclistes furieux. Ca me détend. C'est comme si on mélangeait les Snuls à GTA 5.


J'ai connu et je connais énormément de personnes qui pratiquent le vélo en ville et avec qui j'entretiens ou ai entretenu des relations cordiales, rieuses, amicales et même parfois amoureuses. Pour la majorité de ces gens, le vélo est un outil du quotidien à peine plus intéressant qu'un presse purée ou un mixer à fruits. Ils et elles l'utilisent parce que ça les fait maigrir, leur donne du souffle, parce qu'ils et elles conchient la STIB ou n'ont pas le fric ou l'envie pour une bagnole. Peu importe. Ils et elles ne voient tout simplement pas l'intérêt de parler non-stop de leurs bécanes parce que le vélo n'est pas dans leurs esprits quelque-chose qui les émancipe, les rend plus vertueux et sauvera l'humanité de l'effet de serre. C'est juste un truc pour se déplacer à une vitesse correcte et destiné à être rapidement volé. On dit souvent des guitaristes un peu trop démonstratifs et des adeptes du tuning que leurs guitares astiquées et leurs bagnoles mirobolantes prolongent leurs phallus en détresse. Je pense tout simplement qu'on est dans le même cas de figure avec ces militants cyclistes. Pourquoi en serait-il autrement ? D'autant qu'il est quand même bien connu que la pratique intensive du vélo peut complètement ruiner le service trois-pièces des messieurs... Première résolution de l'année, de cette nouvelle décennie même : me faire un nouveau stock d'ennemis. Je vous attends.