Comme c'est parti, la guerre à venir contre la haine en ligne va pourtant, me semble-t-il, se jouer aussi mal que la guerre contre la drogue. On va ruiner les vies de petits joueurs, fanfaronner à propos de victoires anecdotiques, aligner des chiffres insignifiants, tandis qu'à l'ombre, les gros requins manipulateurs continueront de s'enrichir et de commettre des crimes bien plus abjects que traiter une élue de gauche de grosse pouffe. Le bouquin de Wylie est franchement effrayant mais un peu moins de deux ans après sa sortie, il faut bien reconnaître qu'il n'a absolument rien changé au monde qui nous entoure. Sans doute parce ce que ce qu'il dénonce arrange trop de puissants et génère trop de fric. C'est un dossier très compliqué aussi, mêlant barbouzeries mondiales et commerce de masse, attaquant qui plus est des firmes spécialisées dans la désinformation. Que le scandale se soit transformé en eau de boudin n'est dès lors guère étonnant. Si ces gens peuvent pousser les Anglais à voter pour le Brexit et catapulter Donald Trump à la Maison Blanche, vous pensez bien que ce n'est pas très compliqué pour eux de laisser infuser dans l'opinion publique que tout cela n'est que théorie de conspiration pour gauchistes aux cheveux roses.
Qu'un bouquin aussi déterminant sur la haine en ligne semble moins avoir moins percuté et inspiré le monde politique local que des éditos des Grenades-RTBF, des tweets douteux de micro-célébrités bruxelloises et un bien mauvais roman sur le cyberharcèlement ne tient toutefois pas de la manipulation psychologique à échelle internationale mais bien de la simple fainéantise intellectuelle ainsi que de la réaction émotive basique « un fait divers, une loi », à la Sarkozy. La collusion entre Cambridge Analytica, Facebook et les services secrets russes est un scandale majeur, même si relativement étouffé, de notre époque. C'est aussi une explication à la prolifération de la haine en ligne que l'on ne peut ignorer, ni minimiser, au moment de penser créer des outils pour combattre cette haine en ligne. Sans quoi, tout comme dans la guerre contre la drogue, souffriront surtout les cas sociaux tandis que continueront de prospérer les gros dealers et les cartels. Ce billet n'est donc pas qu'une recommandation littéraire. C'est surtout un appel à ne pas bêtement juste déconner au moment de balancer IRL un attirail législatif qui impactera en principe très profondément nos vies. Au point même d'éventuellement créer plus de haine, donc plus de problèmes. 8,70€, la version poche...
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