Il y a quelques années, il a été fort question que je travaille pour le magazine bruxellois The Word. Une idée qui me bottait bien avait été mise sur le tapis : que j'écrive des chroniques où je proposais une solution de mon cru aux problèmes du moment. C'était l'époque du piétonnier de Bruxelles et du démantèlement du viaduc Hermann-Debroux. What would Serge do, dans ce cas ? (c'était le titre envisagé) Déménager le viaduc au-dessus du piétonnier, bien évidemment. On a bien ri mais l'idée de collaborer est néanmoins tombée à l'eau, sans la moindre acrimonie, ni animosité. Tombée à l'eau et de retour sur le rivage en 2022. "Ma Solution A Vos Problèmes", sur ce blog aujourd'hui et plus tard dans votre gazette si affinités!
Le Problème :
Le Harcèlement dans le Metavers
Ma Solution :
« Une agression dans le métavers de Facebook : c'est réel ou c'est virtuel ? » se demandait dernièrement un article sur le site de la RTBF décrivant une mésaventure vécue par une utilisatrice de Horizon World, l'espace en réalité virtuelle que Meta (Facebook sous son nouveau nom) est en train de tester en Amérique du Nord. « Une sorte de réseau social en 3D », un Second Life des temps modernes. Scandale : dans cette réalité de pixels, l'avatar de cette jeune femme a été « harcelé » et « peloté » par un autre avatar ! « Le harcèlement sexuel n’est déjà pas drôle sur Internet, mais être en réalité virtuelle ajoute une couche qui rend l’événement plus intense. Je n’ai pas seulement été pelotée hier soir, il y avait également d’autres personnes qui soutenaient ce comportement, ce qui m’a donné un sentiment d’isolement dans cet espace », a-t-elle expliqué à la presse et au vice-président de Meta, qui s'en est excusé et a qualifié cet incident « d'absolument malheureux ». L'article de la RTBF va quant à lui jusqu'à évoquer la possibilité de sanctions dans le metavers, ainsi que de poursuites en justice dans cette réalité ci pour des faits délictueux commis dans cette réalité là. Au motif que l'espace virtuel, c'est l'espace public. Mais est-ce vraiment ici le cas ?
On ne parle pas ici de Facebook, d'Instagram ou de Twitter, qui sont des outils faisant pleinement partie de notre monde. On parle d'une autre réalité, d'un univers totalement artificiel, autrement dit une expérience immersive a priori bien plus proche du trip psychédélique et du jeu vidéo que du forum en ligne. Votre corps est ici, votre esprit ailleurs ! Dans la presse américaine, il a pourtant été rappelé qu'une plainte assez similaire à celle de cette utilisatrice de Horizon World avait déjà été médiatisée, il y a quelques mois. Là encore, il s'agissait d'un cas de harcèlement sexuel dans... un jeu de zombies ! Une joueuse s'était retrouvée coincée avec un autre joueur dans une impasse et celui-ci s'était soudainement transformé en une sorte de démon lubrique qui s'était mis à la « peloter » plutôt que de continuer à mitrailler les morts-vivants.
Si cette plainte avait été prise relativement au sérieux par une certaine presse et par quelques associations, elle avait bien entendu fait hurler de rire sur les réseaux sociaux.
Pelottée dans un jeu de zombies ? Non mais avez-vous déjà entendu parler du « teabagging » de Call of Duty ? Vouloir en faire porter la responsabilité à quelqu'un qui se trouve en réalité peut-être bien à 3000 kilomètres de là au moment des faits ? Quelqu'un qui pourrait d'ailleurs très bien vous loger une balle virtuelle en pleine tête virtuelle ou se mettre à vous grignoter le cul virtuel dès que lui-même virtuellement zombifié sans que vous n'y trouveriez à redire parce que là, ça fait partie du jeu, ce sont les risques du métier de tueuse de zombies ? Alors d'accord, l'espace virtuel fait partie de l'espace public quand on peut y voler votre vrai argent, vous pousser à un suicide dont vous ne ressusciteriez pas et dévoiler au monde votre intimité réelle en mode revenge porn. Mais l'espace virtuel tient-il encore de l'espace public quand cet espace est une fantaisie complète ? Car, dans ce cas, qu'est-ce qui empêche la Cour Pénale Internationale de poursuivre pour crimes de guerre et génocides multi-récidivistes les participants aux jeux de massacre en ligne voulus réalistes ?
Dans une chronique pour Focus ayant déjà le Metaverse pour sujet, je rappelais que Second Life existe toujours et, y citant un article du journal Le Monde, que pouvaient s'y exprimer « les fantasmes interdits : certains avatars s'adonnant à la pédophilie ou la zoophilie ». J'y prévoyais aussi, m'en moquant, la probabilité que le Metaverse de Facebook/Meta soit quant à lui très « politiquement correct », puisque géré par une compagnie qui interdit déjà sur son réseau social les représentations de femmes nues et l'usage de certains mots jugés offensants pour certaines minorités. Cette suite sérieuse donnée à une plainte loufoque semble donc confirmer cette éventualité.
Loufoque, parce que l'on se retrouve donc bel et bien devant un cas de figure comparable à quelqu'un qui se plaindrait d'un jeu de rôle médiéval où un Nain vous plante une épée dans le bedon et vous vole votre Or alors qu'il s'était pourtant présenté comme Allié. Personne ne prendrait au sérieux quelqu'un qui irait ensuite poursuivre en justice pour vol avec violence la personne qui manipulait le Nain via un clavier et un écran. Loufoque, parce que le Metaverse de Meta/Facebook ne sera bien entendu pas le seul sur le marché. Or, si le harcèlement sexuel sur des corps informatisés dans la réalité virtuelle de dessin animé disneyen qu'est Horizon World est considéré comme « absolument malheureux » par Meta, on peut supposer que cela ne le sera pas par les créateurs de The Sandbox, metavers concurrent partenaire de Snoop Dogg évidemment beaucoup plus trash.
Il y a donc déjà une concurrence redoutable qui s'installe entre metavers, certains bien entendu plus permissifs que d'autres. Ce qui existe dans la réalité : on n'a pas toujours picolé aussi pépouze au Mississippi qu'à Las Vegas, par exemple, et on peut donc très bien concevoir que des règlements différents dans les différents metavers existent comme existent des lois différentes dans les Etats. Encore que l'on peut se demander quel serait alors l'équivalent de la Cour Suprême ou d'un tribunal fédéral en cas de litige ? On peut surtout se demander pourquoi est-il aussi possible de peloter des avatars dans un metavers qui trouve le geste affreux alors que dès les premiers jeux vidéo mis sur le marché, il existait déjà des limites impossibles à franchir, comme de tuer ses alliés, par exemple ? Une amie m'a d'ailleurs soufflé ce qui serait pour elle une bien meilleure solution au problème que des poursuites légales ou un banissement à vie du metavers : faire en sorte que la victime puisse se transformer en monstre sur-puissant et démolir à ce point l'avatar du harceleur qu'il lui faudrait beaucoup de metadollars pour retrouver une apparence normale. Voilà qui est à la fois très moral et aussi très commercial et 100% capitaliste. Allô, Meta ?
Le fin mot de l'histoire :
C'est finalement une toute autre solution retenue par Meta afin d'éviter le harcèlement dans son Metavers.
Youpie!