Janvier 2023 - Dans le numéro du Focus Vif daté du 26 janvier 2023, le rédacteur en chef Laurent Raphaël avance dans son édito de la semaine qu'il existe un « risque de voir disparaître des écrans les séries cultes qui ont marqué l'Histoire de la télé ». Parce que des droits de diffusion et de streaming se perdent ou ne se renouvellent pas. Parce qu'une « panne de courant généralisée ou une cyberattaque » pourrait effacer « les perles des catalogues », nous condamnant « à l'amnésie. » Laurent estime que l'idée que « les biens culturels essentiels » restent et resteront toujours disponibles en deux ou trois clics est « une fausse impression ». Qu'il existe vraiment la possibilité que des choses jadis fort appréciées disparaissent de la circulation pour de bon. « Morale de l'histoire : si vous avez encore un lecteur de DVD dans la cave, ne le jetez pas tout de suite. »
J'ignore si c'est là une angoisse typique de quincado mais il se fait que je rachète justement pas mal de DVD depuis quelques mois ; principalement depuis que j'ai découvert que l'on pouvait s'offrir un film en très bon état à 2 ou 3 euros chez les soldeurs de Liège et sur les brocantes, couvertes ou non, de la région. Sans parler de Vinted. Il est vrai que je suis un poil fainéant vis-à-vis des technologies modernes, autrement dit que ça me gave complètement de chercher des films précis en streaming légal ou non, surtout quand il s'agit ensuite d'encore éventuellement dégotter des sous-titres et de synchroniser les fichiers. Ma connexion Internet n'est pas top-top, d'ailleurs : encore un point en plus pour l'option DVD.
Ce confort mis à part, j'ai quoi qu'il en soit moi aussi commencé à ressentir cette vague angoisse d'un jour prochain ne plus réussir à facilement trouver des choses que j'aime et considère pourtant classiques. Que celles-ci disparaissent de la circulation non seulement pour des questions de droits, d'offre et de demande, mais aussi par pression politique et morale. C'est sans doute surtout dû à avoir trop traîné sur Twitter ces derniers mois mais il me semble par exemple vraisemblable qu'un jour pas si lointain dans le turfu, plus personne ou presque n'osera proposer à la location et encore moins à la vente des films de Roman Polanski ou avec Kevin Spacey. Ou alors, ça coûtera un pont et pourrait entraîner des bricoles; se vendant dès lors sous le comptoir comme visiblement bientôt les albums les plus pédo de Bastien Vivès.
Je délire peut-être mais ce qui est plus certain, c'est qu'à mon âge, j'ai vu pas mal de choses un jour très disponibles devenir ensuite très difficiles à retrouver. Ou chères. Comme ça, pouf. Quasi du jour au lendemain. Certains vinyles jamais ou tardivement réédités. Des bédés publiées aux Humanoïdes Associés dans les années 80 et pas revues depuis. Des romans d'horreur des Nouvelles Editions Oswald, aux superbes couvertures. Des versions de films pourtant beaucoup passées à la télévision et qui ne sont aujourd'hui plus ou difficilement visibles, parce reniées par leurs auteurs : la « version salles 1979 » d'Apocalypse Now, la version « granuleuse » de Blood Simple, celle de Blade Runner avec la voix-off, le cut de Star Wars où « Han shot first »... Et il existe donc aussi – ce qui avait fait grand bruit à l'époque de cette « censure » - des épisodes de séries télé non repris dans leurs prétendues intégrales disponibles en streaming : l'un de Fawlty Towers et un autre de Seinfeld, si je ne m'abuse. Autrement dit, this shit happens. A lot. Et pour pas mal de raisons différentes (une production Disney récente sera-t-elle encore disponible ailleurs que sur Disney+?). Autant dès lors aussi ressortir le magnétophone et les VHS de la cave en plus du lecteur DVD et, en ces temps incertains, toujours privilégier le support physique. Surtout qu'il ne coûte quasi rien pour l'instant et qu'aucun retour de hype ne se devine à l'horizon. Sans quoi, on pourrait bien se retrouver plus tard à la Fahrenheit 451 dans les bois à se raconter des films et des séries désormais totalement hors-commerce et partout indisponibles...