samedi 8 avril 2023

KINOCOSMANI (1) : IDEE DE FILM AUJOURD'HUI, CONSPIRATION DEMAIN !

 


Tadadoum, voici ma première livraison de KinoCosmani, la nouvelle rubrique de ce blog entièrement consacrée au cinéma ! J'avais annoncé ça comme un guide de survie pour vivre aujourd'hui le cinéma loin de Marvel, DC, Star Wars et John Wick mais comme j'ai aussi ces derniers temps pas mal parlé sur Twitter et Facebook de l'influence de certains films de jadis sur les théories de conspiration actuelles, voici 5 intrigues de fiction que certaines personnes tiennent aujourd'hui pour vraies, même quand peu ou à peine remaniées ! Magnéto, Serge !


Alternative 3 (1977)


Mockumentaire anglais qui entendait principalement démontrer que le public est manipulé et manipulable par les médias, Alternative 3 a été diffusé à la télé britannique d'abord et au Canada ensuite. Pour ne rien arranger, dans la « novelisation » sortie peu après, l'autrice s'est amusée à remplacer les noms fictifs du film par celui de personnalités scientifiques bien réelles. Ce livre a aussi connu quelques problèmes de distribution que certains ont pris pour une volonté de censure étatique... Autant dire que pas mal de gens sont tombés dans le panneau ! Le pitch est bien gros et gras, pourtant, puisque avançant que l'URSS et les USA oeuvrent ensemble à kidnapper des scientifiques européens pour les envoyer, contre leur gré, sur Mars ; afin d'y préparer un environnement compatible aux colonies humaines à venir. Planète Rouge qui plus est dangereuse car habitée. Ce « masterplan » secret et mondial est donc la troisième alternative des trois uniques solutions au changement climatique ; en 1977 déjà trop avancé pour ne pas condamner irrémédiablement l'Humanité. A noter que l'Alternative One propose de réduire drastiquement la population humaine par un bon gros génocide des familles et l'Alternative Two de construire des villes souterraines climatisées où ne serait admise que l'élite. Pas sérieux du tout que tout ça et d'ailleurs, à l'origine, carrément prévu pour être diffusé le premier avril.


Reste que ça marqua. Fit polémique (« un affront à l'intégrité journalistique ! », 30 ans avant Bye Bye Belgium!). Marqua durablement même, puisque l'on va ensuite retrouver des bouts de ce scénario plus ou moins bien digérés dans, par exemple, 12 Monkeys, Interstellar et la série Utopia. Ailleurs que dans la fiction, Alternative 3 a d'abord surtout donné naissance à pas mal de théories de conspiration sur la face cachée de la Lune, Mars et les OVNI, comme fort bien expliqué dans ce très complet et donc très long documentaire disponible sur You Tube. Puis est venu le temps du Covid et de ses multiples campagnes de vaccination et il semble bien que l'Alternative One du film ait alors aussi ressurgi dans les consciences puisque l'idée de tuer ou de stériliser les gens en douce afin de préparer un Great Reset se discute quand même pas mal aujourd'hui dans les sphères conspirationnistes. A noter pour les mélomane déviants que la musique du film est signée Brian Eno et qu'il en existe depuis 20 ans une version, heu... alternative, réinterprétée par des musiciens proches du mouvement « hauntologique ». Ce qui situe encore plus le haut niveau cultissime de ce téléfilm !



Dark City (1998)


Sorti peu avant le premier Matrix, Dark City est un film au rythme de bédé qui a la particularité d'être très, très paranoïaque et assez cauchemardesque. Je n'en dévoilerai rien de plus, d'autant que je ne m'en souviens pas très bien. Un spoiler, malgré tout, et de taille : l'une des dernières images du film est une « terre plate », qui flotte dans le cosmos. La croyance que la Terre est plate date bien entendu de la Grèce Antique mais figurez-vous que selon Wikipédia, en 1998, à la sortie du film donc, la Flat Earth Society, autrement dit le lobby platiste, était considérée comme totalement en déclin. Ce n'est en fait qu'en 2009 que la FES a été pleinement réactivée, avec un nouveau site web, une bibliothèque, un wiki et de nouveaux membres ; parmi lesquels le musicien Thomas Dolby (dont le plus cool des albums, celui de 1984, a pour titre « The Flat Earth »). Que cette image frappante et assez rare dans la science-fiction issue d'un film ayant tout pour rendre cinglés les esprits remettant en question la réalité de notre environnement ait participé à ce renouvellement d'intérêt tient de la pure spéculation et semble même impossible à prouver. Reste qu'il serait tout de même très étonnant que la résurgence platiste ne doive rien à cette mode de films de la fin des nineties présentant des simulacres de mondes (Truman Show, Dark City, Matrix...) où la réalité nous est cachée pour des motifs de contrôle, notamment social. 2009 est sinon aussi l'année où la NASA confirma la présence d'eau sur la Lune. Ce qui, pour certains, confirma surtout que la NASA (qui ne sert à rien dans un univers où la terre est plate et où le cosmos n'existe pas) ment sur tout, tout le temps, juste pour recevoir des subsides. Comme dans Capricorn One !






Capricorn One (1978)


Sorte de Trois Jours du Condor en combinaison spatiale, autrement dit série B pas fort passionnante, Capricorn One n'en est pas moins la source probable de toutes les théories voulant que l'homme n'ait jamais mis le pied sur la Lune et que les images transmises en juillet 69 ont en fait été tournées en studio. Le film offre même un motif à la conspiration, sous la forme d'un monologue du docteur James Kelloway, directeur de la NASA interprété par Hal Holbrook, et qui dit en substance qu'il n'y a plus de pognon pour la science parce que « Et nos SDF ? » (texto : « Was it really worth twenty billion to go to another planet? What about cancer? What about the slums? »). Autrement dit, dans le film, la NASA va feindre d'envoyer des cosmonautes sur Mars parce que ça coûte moins cher que de réellement y aller. La fusée va vraiment décoller mais vide, tandis que les images seront tournées en studio. Ce qui selon Kelloway suffira à convaincre le Congrès que finalement, la conquête spatiale vaut bien encore quelques gros subsides. Il se fait juste que, dans le film, la fusée explose et il est donc question de buter ensuite les cosmonautes, vu qu'il serait plutôt embêtant qu'un politicien ou un comptable du gouvernement les croise quelques jours plus tard dans un mall en train de s'acheter des pantalons mauves en velours côtelé (OJ Simpson est l'un des cosmonautes en question!). Si le film est donc plutôt mauvais, on reconnaît tout de même là une idée depuis resservie régulièrement : la NASA n'est qu'un gouffre à subsides qui ment depuis plus de 50 ans juste pour convaincre les politiciens de lui gonfler la tirelire ! Autre point amusant, bien réel celui-là : un modèle mathématique a depuis établi que pour être pleinement efficace, une conspiration cherchant à cacher le fait que nous n'avons jamais été sur la Lune aurait du exiger le silence de 411 000 personnes. Ce même modèle dit aussi que ça n'aurait de toutes façon fonctionné que quatre ans, environ. Devinez quoi ? Le premier bouquin, (qui n'a pas du tout marché à l'époque), disant que personne n'a mis le pied sur la Lune date de... 1974 ! Scénariste de Capricorn One, Peter Hyams a quoi qu'il en soit toujours maintenu qu'il ignorait totalement l'existence de ce livre.





V (1983)


La mainmise d'extraterrestres lézaroïdes sur le monde est l'une des plus bizarres théories de conspiration qui existent. Une bien vivace aussi. A la mort de la Reine Elizabeth II en septembre 2022, Facebook aurait ainsi censuré des dizaines de messages reliant la famille royale britannique à un ordre reptilien. Si des aliens à tronches de serpents ont été repérés dans la littérature de gare dès 1929, il faut toutefois savoir que les Lézaroïdes sont relativement neufs dans le bestiaire ufologique. C'est le conspirationniste David Icke, au milieu des années 90, qui a commencé à parler d'aliens reptiliens déguisés aux postes clés de la société humaine ; ce qui rappelle évidemment aussi très fort They Live de John Carpenter (1988). Ancien commentateur sportif devenu porte-parole du parti écologiste anglais, Icke part en fait ces années là complètement en saucisse et en live, se lançant dans un festival de couillonnades qui lui détruisent à vie sa réputation. Quelques mois après avoir émi que Bill Clinton était un lézard de l'espace, il accusera ainsi le film Schindler's List de n'être que pure désinformation, avançant même que certains riches Juifs, dont les Rotschild, ont en réalité financé l'Holocauste. Viré des Verts, il fera ensuite une longue et profitable carrière, toujours en cours en 2023, dans le conspirationnisme ; vendant des bouquins et des conférences développant l'idée d'une cosmologie compliquée où des races d'aliens et des êtres inter-dimensionnels, les Archons et les Anunnaki, se disputent la race humaine.


C'est aussi à David Icke que l'on doit l'idée de sacrifices d'enfants parce que ceux-ci produisent une hormone au moment de mourir considérée comme savoureuse par ces êtres venus d'ailleurs. Selon des spécialistes ayant étudié ses dires, sa théorie des Lézaroïdes n'est toutefois pas directement pompée de V mais bien de Zecharia Sitchin, un écrivain new-age à qui certains ont aussi attribué une grande influence sur Raël. A noter que V pompe de son côté aussi pas mal d'autres œuvres, notamment, et sans trop se fouler d'ailleurs, la trame générale du génial « Enfants d'Icare/Childhood's End » d'Arthur C. Clarke mais en remplaçant les aliens-démons par des aliens-serpents et leur rôle dans l'évolution humaine par une simple occupation territoriale doublée d'une volonté d'exploitation des ressources. Autrement dit, dans V, série produite produite et diffusée dans l'Amérique de Ronald Reagan, les Aliens-Lézards rappelaient surtout les nazis du passé, non sans lourdeur d'ailleurs, les parallèles étant aussi grossiers que surlignés. Chez David Icke, par contre, les Aliens-Lézards rappellent surtout les Juifs des Protocoles des Sages de Sion; ce qui est une critique récurrente de ses élucubrations; son fond de commerce étant souvent accusé d'antisémitisme pur et simple.





The Manchurian Candidate (1962)


Sommet du film paranoïaque anti-Rouges, The Manchurian Candidate pimente l'idée d'une cinquième colonne communiste infiltrée sur le sol américain en imaginant que celle-ci est constituée d'anciens soldats prisonniers de la guerre de Corée dont le cerveau a été lavé pour se transformer en tueurs dès qu'activés par un code spécial. Bref, plus aucune confiance possible puisque même les héros nationaux et autres médaillés devenus politiciens peuvent se transformer en armes ennemies, à l'insu de leur plein gré. Flop commercial retiré des écrans après l'assassinat de JF Kennedy quelques semaines plus tard, ce qui a d'ailleurs donné lieu à une suspicion conspirationniste voulant que Frank Sinatra, son producteur et acteur principal, avait quelque-chose à cacher; The Manchurian Candidate a depuis propagé l'idée que des ordres hypnotiques peuvent être activés à distance pour générer des attaques terroristes. Aux Etats-Unis, les assassinats de Robert Kennedy et John Lennon, ainsi que la tentative de tuer Reagan, ont ainsi été attribués à des « Manchurian Candidates ». J'ai aussi déjà vu expliquer que ça devait également être des enroules du genre qui faisaient que des petits dealers de shit se convertissent à l'Islam en quelques semaines et descendent ensuite avec des couteaux de cuisine dans les rues. Il n'est pas non plus impossible que l'idée de messages subliminaux, notamment satanistes, sur les disques de métal, découlent également et de façon très détournée, de The Manchurian Candidate. D'autant que si le film est aujourd'hui bien connu et a fait l'objet d'un remake, de parodies et même d'une adaptation en comédie musicale, il a longtemps été plutôt rare, peu visible dans les salles et ne passant que très sporadiquement à la télévision, à des heures tardives. Autant dire que c'étaient là les conditions idéales pour que ses idées imprègnent les esprits sans que ceux-ci ne se souviennent précisément d'où elles viennent.




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