dimanche 23 juillet 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (28) : DANS LE TIROIR DU BAS DE TON CUL

 


Juillet 2023 – Je n'aurais peut-être pas dit ça il y a quelques années mais là, j'envisage parfaitement de vivre dans le futur loin de tout réseau social. OUI, JE SAIS : j'ai déjà souvent écrit que j'allais quitter Facebook et Twitter et j'y suis toujours. Cela s'explique par de bonnes et de mauvaises raisons et aussi, tout simplement, par la flemme. Le haussement d'épaules en mode « Who the fuck cares, anyways ? (Not me)» Cette fois, c'est malgré tout un tout petit peu différent. J'écris ceci le dimanche 23 juillet 2023 alors qu'Elon Musk semble annoncer des changements assez drastiques pour Twitter, pas juste un nouveau logo. C'est peut-être la connerie de trop, le début de la fin ? Ou alors, Twitter/X va devenir vraiment autre chose, « the everything app »? Peu m'importe. Vraiment. Que cela se casse la gueule ou que cela devienne un truc dont je refuse de me servir, no big deal. Si Twitter disparaît, je ne vais pas aller me réfugier sur Mastodon, Threads ou Bluesky. L'expérience aura été ce qu'elle a été, pas besoin de plus. Si ça devient un metaverse ou un forum géant pour beaufs de droite : pareil. Tout aussi inutile et inintéressant pour moi que TikTok, Snapchat et des centaines d'autres coincoins dont je n'ai même pas envie de connaître le nom. Je ne ressens aucun besoin de retrouver exactement les mêmes gugusses sur un autre réseau social pour y revivre exactement les mêmes embrouilles et les mêmes culbutes. Donnez-moi de l'inédit excitant ! Sinon, autant rallumer la PlayStation 4 ou enfin me mettre aux gros classiques de la littérature russe.


Ca m'étonnerait que Twitter s'écroule, cela dit. Ca m'étonnerait aussi que ses concurrents et autres copies puissent un jour le remplacer ; avoir le même niveau de succès, brasser autant de gens et d'avis différents. Ce modèle d'agora universelle est-il tout simplement encore viable, après avoir donné naissance à tant de polarisations, de bagarres débiles et de haines tenaces ? Ce modèle où n'importe qui peut apostropher n'importe qui à propos de n'importe quoi peut-il seulement encore rapporter de la maille ? Aujourd'hui, quand je vois certains comptes politisés et militants, ce n'est pas juste que je ne suis pas d'accord avec ce qu'il y est dit et que ça me donne envie d'en rire. La réalité décrite sur ces comptes ne correspond en fait plus à rien de ce qui se passe dans ma vie, à ce que je vois autour de moi. Ca ressemble même carrément à quelque-chose qui serait envoyée d'un univers parallèle. Du langage alien. De la bave ectoplasmique. Du charabia gogol. Forcément, au bout d'un moment, ça lasse, ça fait hausser les épaules. « Non, mais c'est quoi ces débiles ? Est-ce que je ne ferais pas mieux d'aller rigoler au bistro en écoutant baver les pochetrons ? ». Or, amener entre les deux oreilles de son public l'idée d'une occupation alternative, voilà qui est toujours dangereux quand on fait commerce de l'assuétude hypnotique et de la capture des esprits.


Et ça, justement, je pense que Musk et Zuckerberg l'ont très bien compris. Leur avenir, c'est d'être l'équivalent de TF1 et de France-Télévisions au milieu d'une pléthore d'offres non pas concurrentes mais s'adressant à des publics différents, des niches, des tribus. Toutes les attentes, tous les univers, toutes les réalités parallèles. Ce n'est d'ailleurs pas très farfelu, ni osé, comme prédiction, vu que si on regarde ce qui s'est passé dans les médias, dans le cinéma ou même dans la musique, c'est exactement ça, le modèle qui s'est ces dernières années dégagé : au commencement, était une offre réduite attirant énormément de monde et puis, vient un moment où ça éclate et puis ça éclate encore et puis encore et au bout du compte un produit Star Wars n'est plus un événement fédérateur et universel comme durant mon enfance mais un truc constamment renouvelé qui sort du robinet Disney+ pour un public captif de Disney+ qui n'est pas le public captif de Netflix. Un courant musical n'est plus quelque-chose qui se vend chez un disquaire et sur lequel on peut tomber par hasard en allant acheter Sonic Youth, Slayer ou 2Pac mais un monde en soi assez fermé auquel on peut totalement échapper à vie, comme le rap contemporain français ; encore une véritable réalité parallèle pour moi, qui vit dans un univers musical où personne ne parle de rap contemporain français, où ce sujet n'intéresse pas, où cette « chaîne » n'est même pas programmée sur le récepteur. Bref, si dans cette comparaison certes un peu foireuse, Twitter et Facebook peuvent être caricaturés en TF1 et France-Télévisions des années monopolistiques, là, dans les mois et années qui viennent, je pense que l'on va en fait très très rapidement passer à une sorte de gigantesque bouquet de réseaux sociaux "spécialisés". Ou à une nouvelle approche, un nouvel esprit, où l'échange écrit n'est plus central et bien davantage accessoire. 


Ca rendra tout aussi abruti. Ca sera politiquement tout aussi néfaste. Juste que tant qu'à produire de l'engagement, ça produira de l'engagement où les gens arrêtent de se disputer pour des broutilles et se poussent plutôt les uns les autres à consommer les produits-maisons. Et la démocratie dans tout ça ? L'utopie? Le fun? Bien rangés avec la défense de la liberté d'expression.


Dans le tiroir du bas de ton cul.



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dimanche 2 juillet 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (27) : REVOIR BOUILLON ?

Juillet 2023 – Comme évoqué au post précédent, j'ai passé une bonne partie du mois de juin en Norvège, en Suède, au Danemark et en Allemagne. Des vacances lointaines, enfin ! Sans trace ou presque du Covid, les frontières grandes ouvertes ! En guise de soirée dias, voilà mon petit bilan écrit façon Influenceur Instagram, avec quelques conseils et un zeste de déconnade !


LA NORVEGE


Destinations : Oslo, Roros, Trondheim, Dombas, Andalsnes et Otta. Eviter les Américaines au vocal fry envahissant et les endroits hors de prix, comme sans doute Bergen et Stavanger, que l'on se réserve pour après l'Euromillions. Beaucoup de marche à pied, un peu de camping, quelques musées. Des choses qui se vivent mieux sans ensuite les partager, comme le kayak dans The Circle de Dave Eggers. La ligne Dombas/Andalsnes, considérée comme l'un des plus beaux trajets de train au monde, est très sympa mais quelque-peu surestimée : ce n'est que les vingt dernières minutes que l'on en prend plein la gueule. A Andalsnes, la ballade descendant du restaurant panoramique atteignable en téléphérique vers la ville est par contre juste dingue, très exigeante et très vertigineuse. Tu glisses, t'es mort et c'est très bien comme ça.


En Norvège, qui est depuis 1969 une monarchie pétrolière, c'est la vie chère, surtout en ce qui concerne la bibine : une chope = 10 balles minimum. Le vin, t'oublies (le Beaujolpif à 17€ environ au VinMonopolet, leur seul magasin (d'état) autorisé à vendre de l'alcool). Une vodka, un whisky, un gin ou un cocktail, c'est le double qu'à Bruxelles. Curieusement, j'ai malgré tout trouvé ça moins scandaleusement « exag' » qu'à Londres dans les années 90 ou début 2000, où c'était également cher mais surtout dégueulasse, du gros foutage de poire : de la bouffe infecte, des boissons vomitives. A Oslo, dès que l'on a capté où ne pas aller, les petits restos sont pour la plupart bons, voire très bons, et la pils locale servie à la pompe est très, très correcte (la Dahls, surtout). Ca fait donc seulement mal au compte en banque, moins au cul. Un truc à savoir pour les Belges : ils foutent automatiquement des sauces bizarres, voire multicolores, et/ou de la poudre piquante, sur les frites. Ils ne peuvent pas s'en empêcher.


Le vendredi soir, c'est The Purge. Ca se bourre la gueule mais alors grave, en gueulant comme des gorets. C'est le grand défilé des cagoles en crop-tops et des beaufs en shorts saumon et ça binge-drinke ferme. L' Angleterre en presque pire. Cela dit, comme ils sont aussi dégénérés que les Brits mais ont un plus gros balais dans le cul transmis de générations en générations, à 3 heures du mat, l'heure à laquelle le fêtard belge commence seulement à danser, c'est fini. Jusqu'à la semaine prochaine. The Purgeke, quoi.


Bien que plutôt sympa, Oslo a un côté dystopique. La ville fonctionnelle aux grands immeubles très laids, aux gigantesques shopping centers et aux pistes cyclables encourageant les connards en Lycra à des pointes de vitesse insensées. Grunnerlokka, le quartier qui monte, anciennement très prolo et désormais gentrifié mais pas tout à fait, est cela dit très sympa pour qui a vécu à Saint-Gilles ou Ixelles étant jeune et a aimé ça. Sinon, le Musée National est chanmé. Le Musée Folklorique, sur l'île de Bygdoy, leur Uccle/Cointe local, est également plutôt cool, surtout la partie consacrée au design scandinave (je veux un champignon atomique gonflable!). Un meilleur conseil, encore : prendre la peine de visiter l'Hôtel de Ville, qui n'a l'air de rien sous ses dehors Hunger Games mais recèle à l'intérieur de décorations murales complètement tarées; étrange mix typiquement norvégien entre délire Midsommar (le film) et peinture soviétique. Le parc Vigeland est sinon bien surfait mais malgré tout à voir, ne fut-ce que pour son côté WTF. Pour info, je l'ai personnellement renommé le Parc Dutroux. 




Sociologie rigolote : le Norvégien semble sévèrement atteint d'une véritable obsession pour les pelouses bien entretenues, les vieilles bagnoles américaines, les coiffeurs et Tom Waits. Les coiffeurs, c'est juste dingue : j'en ai compté trois ou quatre dans une petite ville ne totalisant pourtant qu'une cinquantaine de rues et plusieurs par blocs à Oslo et Trondheim. Le plus marrant étant que la plupart des habitants ne sont pas spécialement bien coiffés. Quant à Tom Waits, ils ont un truc annuel qui s'appelle le Tom Waits Lopet (ce qui m'a évidemment plié de rire) et qui est une sorte de festival de reprises dans les cafés de différentes villes. J'ai vu ça annoncé sur un mur à Trondheim et j'ai un moment vraiment pensé que Tom Waits jouait ce soir là dans un endroit qui s'appelait le Lopet (huhu!) et qu'il restait des places. Autrement dit, almost heart attack (and vine) !


Gros chocs culturels : autant Tonton Munsch m'impressionne beaucoup moins qu'un beau chapeau, bien que non dénué de talent au moment de croquer les femmes alcooliques à moitié à poil, autant je devenu complètement dingue de Johan Christian Dahl et de ses petits copains de l'époque romantique. Voilà en effet un gang qui te peint un paysage transcendant avec autrement plus de panache et de minutie que la petite tête d'oeuf qui crie sous un ciel orange de l'autre Kanye West des arts picturaux locaux.


Gros, gros coup de cœur pour Tarjei Vesaas aussi, dont je n'avais jamais entendu parler et dont le Palais de Glace m'a beaucoup plus marqué que tout ce que je me suis farci de Knut Hamsun, qui était jusqu'ici le seul écrivain norvégien dont j'avais lu des livres, ne connaissant en fait strictement rien rien à l'histoire et à la culture de ce pays.


(Conversation réelle : "- Ils étaient de quel côté durant la guerre ? - J'en sais rien. Pas neutres en tous cas vu qu'il existe un film qui s'appelle les Héros de Télémark avec Kirk Douglas. Mais je pensais que Télémarque était en Grèce, moi... »)


LA SUEDE





Je ne suis resté que deux jours en Suède, à Malmö, ville encore plus survolée d'avions bruyants que Woluwé Saint-Lambert et où il n'y a pas grand-chose à faire. Je m'y suis quoi qu'il en soit senti vachement bien en m'y baladant. Un truc dans l'air, une certaine tranquillité. J'y ai beaucoup ri au Disgusting Food Museum aussi, attrape-touriste qui aligne les reproductions en plastique de toute une série de plats considérés comme dégueulasses. Ca va du fromage italien avec les vers, du Haggis écossais et du Mice Wine chinois (le plus horrible, je trouve) à la tarentule frite, en passant par – scandale pour un Belge – le steak tartare, notre bon vieux américain préparé, non mais! Si la visite est amusante, le plus marrant, c'est la dégustation finale, le « Disgusting Bingo » comme ils appellent ça. J'ai trouvé le criquet moyen et le ver à soie assez bof lui aussi. Le jus de choucroute vendu en bouteilles en Pologne est bel et bien du jus de choucroute (L'animateur : T'es allemand, non ? Tu aimes la choucroute ? Moi : Belge et environ une fois par an, seulement. Plus, c'est de la perversion). J'ai zappé le Su Callu et les fromages dégoulinants mais j'ai aussi plutôt apprécié le hakarl (le requin islandais mariné dans sa pisse), le sürstromming suédois et le fruit de Durian, vraiment délicieux même si puant le cadavre. Le bouquet final étant une dégustation de sauces piquantes. Malgré ma condition physique de poulet de batterie, je me suis découvert plus résistant qu'un Américain de 20 ans de moins et en pleine forme, qui avait l'air de vouloir se vomir dessus à la quatrième sauce, alors que si j'avais bel et bien la gueule en feu, j'ai gardé plus longtemps que lui l'esprit clair et la posture stoïque. J'ai même carrément trouvé la Mad Dog 357 de base vraiment excellente et n'ai déclaré forfait qu'à l'approche de la goutte de Source et de Mad Dog Plutonium.


LE DANEMARK


Deux jours de tourisme décomplexé à Copenhague. Ville étrange, plutôt moche, elle aussi principalement fonctionnelle, carrément véritable enfer pour qui déteste les vélos et les trottinettes. Grosse destination touristique aussi, ce qui lui donne un côté Bruges/Amsterdam. Séjour très agréable, cela dit. Le Tivoli, c'est Plopsaland en pire et la Petite Sirène, c'est juste Jeanneke Pis avec une queue, mais les musées classiques et les friperies sont plutôt cools. Les disquaires décevants, par contre : trop de métal et de hip-hop. Gros respect pour le film Drunk aussi, que je trouvais jusqu'ici juste sympa mais qui semble en fait avoir fort bien cerné le souci des Danois avec l'alcool, surtout en plein weekend de Midsommar, quand les camions d'étudiants récemment diplômés et donc complètement bourrés sillonnent la ville et que dans la gare au petit matin, ça gueule, ça pleure, ça vomit et ça cherche la baston. Tout cela comme surjoué, comme si personne n'y croyait vraiment, que c'est juste mis en scène pour répondre à une étrange pression sociale.


Autre particularité scandinave : les "Enfants Mouettes". Le gosse est roi là-bas. On le laisse gueuler. On le laisse toucher à tout. On le laisse faire des cumulets dans le train. La baffe, c'est la prison. Et donc, dans les villes côtières, souvent, tu ne sais plus si c'est une mouette ou un gosse qui hurle sa mère à quelques mètres. Dans quel film aimerais-je vivre? Children of Men. Définitivement. 




L'ALLEMAGNE


« Les trains allemands, c'est encore pire. Leur bonne réputation date de la guerre mais depuis, c'est plus vraiment ça ! », je dis à une très sympathique dame danoise sur un quai de Copenhague, juste devant un train peut-être en partance pour Hambourg, peut-être pas. On ne nous le confirmera que 10 minutes avant le départ, malgré une rumeur d'annulation et des billets non remboursables. Cette femme est quelque peu stressée : la soixantaine récente, c'est la première fois de sa vie qu'elle ne prend pas l'avion pour partir en vacances. Hashtag Flygskam, la gretatisation des esprits. Ma blague la fait éclater de rire, alors qu'un couple de sexagénaires teutons se liquéfie derrière moi. Finalement, j'atteins la HBF d'Hambourg après un trajet à ne récolter qu'une étoile sur Yelp et c'est n'importe quoi. Un clodo bloque la porte automatique des toilettes publiques et exige un euro pour passer. Alliés de circonstance aux vessies à deux doigts d'imploser, on passe en force à plusieurs, la Bataille des Ardennes 2. Il y a dans cette gare autant d'éclopés et de toxs pas lavés que de valises à roulettes et une file d'une demi-heure pour obtenir un simple renseignement. Quand je demande en anglais quel train prendre pour aller à Cologne, on me répond en schleu d'aller le prendre à Hanovre alors qu'il y a pourtant des directs annoncés tous les quarts d'heure. Dans le train, une militaire en surpoids exige de s'asseoir à côté de moi parce que c'est sa place réservée alors qu'il y a pourtant plein de sièges libres dans le wagon. Je suis en train de somnoler, mon téléphone charge et mes bagages n'entrent pas dans le compartiment dédié, trop exigu. Comme en plus, elle beugle, je l'envoie chier et ça fait marrer tout le wagon, même si ils ont aussi l'air de vouloir me lyncher. A Cologne, ville où j'ai pourtant passé une bonne partie de mes weekends de 1990 à acheter des CD au Saturn, ayant été durant mon service militaire caserné à Spich, bourgade proche, je découvre derrière la cathédrale une quartier que je ne connaissais pas du tout alors qu'il est ultra-touristique. J'ai faim, j'ai envie d'une bière en terrasse mais « No credit card, my friend. Only cash ! ». Je me dis que le black sur le schnitzel, voilà un bon sujet pour Cash Investigation si je redeviens un jour journaliste plein pot. En attendant cette grande improbabilité, je rentre à l'hôtel m'écrouler, bien fourbu après 12 heures de train et un Kentucky Fried Chicken vraiment immonde (mais payé par Master Card), dans une chambre qui est la version Casa ou Blokker d'un donjon gothique. Ce qui me ravit. Le lendemain, retour à Liège, vacances finies. Next ? 


L'Italie ? Les Iles Féroé ? Revoir Bouillon ?



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