Décembre 2024 - Instagram me dit que je passe en moyenne un quart d'heure par jour sur l'app. C'est vrai : seulement en faisant caca et plus rarement lorsque je me réveille en pleine nuit et ne sait pas trop quoi faire en attendant de me rendormir. Facebook, que je n'utilise que sur ordinateur, jamais sur smartphone, ça ne doit pas être beaucoup plus. Je ne l'ouvre d'ailleurs plus que parce que c'est lié à Messenger. Blue Sky et Threads, trop récent, no personal data. Reste X, alias Twitter. J'y ai passé cette année un temps dingue, le plus souvent en mode vache qui regarde passer les trains; bien que je m'y sois aussi trop souvent et trop longuement chamaillé. A l'ancienne.
Précision importante : je n'ai jamais kiffé Twitter et je ne trouve pas le X facho-friendly de Musk fondamentalement différent du Twitter neuneu-power de Jack. Depuis le début, c'est une plateforme particulièrement fréquentée par les peigne-culs, les attention whores, des no-lifes à la pelle, les militantes gnangnans et de pures petites saloperies. Trop peu de rigolos, trop peu de curateurs intéressants. Ce qui a changé depuis Musk, ce qui s'est incontestablement considérablement dégradé, c'est l'expérience-client. Du moins avec la version gratuite. De ce que j'en ai vu, la payante est en effet plutôt correcte. Grok, l'IA intégrée, m'a même semblée carrément soufflante. Mais je n'ai aucune envie de payer ce bouzin; ne fut-ce que pour me protéger d'une addiction imbécile et ne pas participer à l'effort de guerre culturelle du Patron.
Donc, je me tape un algo golmon, des liens ghostés, du blocage compliqué, la coulée continue de débilités dans la partie « Pour Vous » et des pubs intrusives pour des produits que même Action et Lidl refusent de vendre. Ca lasse et c'est ce qui me fera abandonner X. Dans pas longtemps. En gros, je me fous des élans politiques de Musk, que je trouve toujours beaucoup plus cringe que faf (bien que...). Il ne m'inquiète pas et je suis déjà quasi certain que sa participation au gouvernement Trump 2 va tenir du cirque et se terminer dans la cabriole de gros phoque.
Ce qui me dérange surtout en tant qu'utilisateur de son réseau social, c'est donc qu'au moment d'imaginer comment rendre sa petite entreprise chaud-boulette, intelligente et agréable, il a les mêmes emballements que Cyril Hanouna. BIGLY SAD, comme dirait son nouveau best friend. DEAD AS FUCK, j'ajouterais pour ma part. Façon de parler, vu que ça bouge encore et continuera de bouger. Mais c'est comme la télé, que j'ai personnellement considérée dead as fuck dès que l'on est passé de la programmation de films du Nouvel Hollywood à 20h30 et de shows rock and roll en deuxièmes parties de soirées aux coulées continues d'émissions de cuisine et de castafiores beuglantes. C'est dead as fuck ... to me. Avec ou sans Musk, ça continuera quoi qu'il en soit à fabriquer les fascistes, les islamistes et les pastèques trotskystes ; à entretenir la castagne, diviser, détruire toute notion de nuances; encourager la foire d'empoigne permanente, ainsi que les débordements IRL.
Il y a déjà un bout de temps, en juillet 2019, voici d'ailleurs ce que j'écrivais à ce propos (Crash Test SO4E45 sur le site du Focus Vif) :
« C'est quoi, Twitter ? Un forum démocratique ? Un tribunal permanent ? Le goutte-à-goutte de dopamine de milliers de junkies ? Le principal théâtre des opérations de la guerre culturelle en cours ? Alors, c'est vrai que la droite réactionnaire et les justiciers progressistes s'y engueulent à longueur de journées. C'est vrai que l'on a d'un côté ceux qui défendent la liberté d'expression surtout pour garder le droit d'étaler des stupidités sur les Musulmanes en burkini et de l'autre les évangélistes de gauche qui se battent pour un monde meilleur à côté duquel le Meilleur des Mondes ressemblerait à quelque-chose d'enviable.
(...) Aux vrais maîtres du monde, Facebook et Google vendent du data mais chez Twitter, ils ont quoi en stock ? Une expérience de sciences sociales en temps réel. Et donc, ils vendent de l'ingénierie sociale. Or, la psychologie des foules, les effets de meutes, le cloaque comportemental, la propagation des rumeurs, tout ça, on connaît. C'est vieux, donc pas rentable. En revanche, il y a un truc que l'on ne sait pas vraiment, c'est comment peut naître une doctrine totalitaire inédite, là, maintenant, aux débuts du XXIème siècle (...)
LA question pour le moment sans réponse, c'est : en Occident, après Hitler, après Staline, après la Shoah et après 75 ans de paix relative dans un environnement capitaliste plutôt libéral et technologiquement avancé, comment construit-on une idéologie totalitaire ? Et bien, moi, je pense que l'on a besoin de Twitter pour ça et que donc, c'est probablement là que mijote en ce moment même le corpus dogmatique du prochain tyran (F/M/X) qui fera souffrir et anéantira des millions de personnes.
Ce n'est pas encore au point. C'est encore très confus, fort brouillon. Peut-être même que ça commence comme un sketch : quelqu'un avance que l'humour doit toujours être dirigé contre les puissants, quelqu'un d'autre renchérit que rire de la gourde rouge à Greta, c'est verboten. Des petits clubs se forment où pratiquer l'indignation récréative. Ils gagnent quelques combats : faire virer des gens de leurs boulots pour des blagues aussi douteuses qu'inoffensives, transformer la beaufitude en délit, parvenir à faire considérer des produits culturels comme du matériel contagieux... De moins en moins au second degré, viandards et automobilistes sont désignés comme des dangers pour la survie de l'espèce, des freins à l'évolution humaine.
Toutes ces petites opinions extrémistes mais anecdotiques se propagent, s'amalgament et finissent par inspirer des programmes politiques et des lois. Et paf, un jour, tu te retrouves fusillé ou pendu parce que dix ans plus tôt, t'as écrit que Greta Thunberg te faisait penser à Sergio Honorez avec des couettes. Science-fiction parano ? J'espère bien. Mais qui peut être sûr que ça n'arrivera pas ? Qui peut être sûr que la mission de Twitter n'est justement pas de mener à l'avènement d'une idéologie totalitaire inédite, pensée et likée par le plus grand nombre et servant surtout d'alibi à gazer des millions de gens, au nom de la survie de l'espèce ? »
Okay. En attendant, vivons. Ailleurs.